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Portrait de Gretchen Schmid, éditrice francophone chez Harper Via

juin 2022

Dans une nouvelle série de portraits, le BIEF, en collaboration avec The French Publishers' Agency (FPA), présente des éditeurs américains qui publient des livres français, à commencer par Gretchen Schmid, éditrice chez Harper Via à New York. Une interview réalisée en partenariat avec Alice Tassel, directrice de FPA.  


Gretchen Schmid est éditrice et traductrice du français vers l'anglais. Après avoir travaillé chez Penguin Publishing Group, elle est en charge de littérature étrangère depuis six mois chez Harper Via, où ses premières acquisitions du français paraîtront en 2023. 


BIEF : Créée en 2019, Harper Via est une toute jeune marque de HarperOne Group, l’une des trois divisions de HarperCollins. Gretchen Schmid, quelle est votre ligne éditoriale ? 


Gretchen Schmid : "Nous publions de la fiction et de la non-fiction, à la fois en traduction et en anglais, qui mettent en avant des voix et des histoires hors du commun. Cela inclut une grande variété de livres toutes langues et tous genres confondus – de la fiction, des thrillers, des mémoires, de l’humour… Nous bénéficions d’une assez grande liberté. Personnellement je m’intéresse particulièrement aux auteurs francophones originaires de zones géographiques mal représentées, comme l’Afrique du Nord et les Caraïbes. Je suis également attirée par des histoires drôles et accessibles, avec des personnages à fort caractère, et par les comédies romantiques et les histoires d’amour. Du côté de la non-fiction, nous commençons à élargir notre catalogue en publiant non seulement des (auto)biographies remarquables comme celle de Vanessa Springora, mais également des essais, des livres sur l’histoire culturelle, des récits de voyage et bien d’autres genres.


 

BIEF : Quelle place occupe la production française dans votre catalogue ? 


G. S. : Notre équipe comprend cinq personnes, dont moi, qui lisent le français, ce qui nous permet d’avoir une bonne représentation de la langue française et de découvrir les titres avant la plupart de nos collègues américains contraints d’attendre les essais de traduction. Jusqu’à présent, Harper Via a publié trois ouvrages traduits du français : Le consentement de Vanessa Springora, La plus précieuse des marchandises de Jean-Claude Grumberg et La fiancée américaine d'Éric Dupont (ce dernier étant québécois). Et beaucoup d’autres titres sont en préparation ! Notre directeur éditorial, Juan Mila, publiera prochainement Les impatientes de Djaïli Amadou Amal, L’énigme de la chambre 622 de Joël Dicker et Âme brisée (écrit en français) du Japonais Akira Mizubayashi. En outre, je ferai paraître l’année prochaine Mon mari de Maud Ventura et Derrière la haine de Barbara Abel qui sera bientôt adapté au cinéma aux États-Unis.

 

BIEF : Comment travaillez-vous avec vos traducteurs ? 

 

G. S. : Pour l’instant, je travaille sur Mon mari de Maud Ventura, traduit par Emma Ramadan. Elle a fait un excellent travail, malgré tout je vais suggérer quelques petits changements dans la structure du roman, en particulier au début, afin de l'adapter un peu plus au marché américain. Maud, Emma et moi parlons toutes les trois l'anglais et le français, et je suis ravie de débattre en direct de ces questions avec elles – il est rare que les éditeurs aient cette occasion ! La traduction se déroule donc particulièrement bien. En revanche, il arrive que le travail de traduction présente des défis particuliers. Dans ce cas, nous demandons généralement aux traducteurs de rédiger une note insérée à la fin du livre dans laquelle ils expliquent quelle a été leur perception du texte, comment ils l’ont traduit et quelles sont les modifications qu’ils ont apportées. La traduction littéraire me fascine, j’aime beaucoup lire les notes de traducteurs et je suis ravie qu’Harper Via les inclue. J'espère qu'avec le temps, les lecteurs américains s’enthousiasmeront davantage pour des livres traduits et pourront aussi comprendre la fonction et le travail d'un traducteur littéraire.

 

BIEF : Qu’est-ce qui vous a séduit dans Mon mari ? 

 

G. S. : Lorsque j’ai découvert ce roman, j’étais à la plage à Marseille (ma vie est vraiment compliquée !) et je ne pouvais plus m’arrêter malgré l’appel de la Méditerranée qui était si belle. J’avais peur de ce qui allait arriver car le livre est vraiment intense et très sombre, même si j’ai beaucoup ri aussi. La fin m’a coupé le souffle. Et quand un livre produit un tel effet sur moi, il intègre aussitôt ma liste. Je me demande toujours ce que je ressens lorsque je découvre un livre. Est-ce qu’il m’intéresse ? Est-ce que j’aime le personnage principal ? Suis-je en train d’apprendre quelque chose de nouveau ? Ai-je peur, ou bien suis-je intriguée ? Est-ce que je ris aux éclats ou est-ce que j’ai le cœur qui bat ? Quand je lis de la littérature étrangère, je me pose souvent la question de savoir si un lecteur américain ressentira la même chose qu’un lecteur qui lit dans la langue d’origine. Si la réponse est "oui" le livre est potentiellement intéressant à traduire.

 

BIEF : Comment allez-vous promouvoir ce titre aux États-Unis ?

 

G. S. : Pour moi ce livre est "all about the read", cela signifie que le lecteur doit le savourer, que sa lecture doit être un plaisir (et non pas une contrainte, comme par exemple juste pour enrichir ses connaissances). La promotion s’organise autour de textes de présentation et résumés écrits par des auteurs américains, l’envoi des premiers exemplaires à des libraires susceptibles de l’aimer, sans oublier bien sûr les réseaux sociaux. Le fait que l’auteure parle anglais est également un atout majeur pour réaliser des interviews.


Propos recueillis par Alice Tassel et Katja Petrovic