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Compte rendu

"À Moscou, le marché du livre a connu le pire des scénarios en 2020"

avril 2021

24 mars 2021

Quelles sont les évolutions des marchés du livre français et russe, un an après le début de la pandémie ? Tel était le sujet d’un webinaire avec des éditeurs russes en direct du salon Non/Fiction de Moscou, animé par le critique littéraire Konstantin Miltchine et organisé par le BIEF en collaboration avec l’Institut français de Russie.


Si l’année 2020 a été difficile pour l’édition internationale, le marché du livre français a finalement mieux résisté que prévu. Après un bon premier trimestre, la chute a été brutale avec la fermeture complète des librairies en mars. La vente en ligne (+10% en chiffre d’affaires) et celle en forte augmentation des livres numériques et des livres audio (+70% par rapport à 2019) n’ayant pas réussi à combler les déficits, la réouverture des librairies en mai et en décembre notamment, a, en revanche, sauvé le marché et l’année s’est terminée avec une baisse de moins de 3,4% en volume et un recul de 2,7% en valeur par rapport à 2019.


En matière d’évolution des ventes, la bande dessinée (+35%), la jeunesse (+7%) et le parascolaire (+5,5%) ont été les trois secteurs les plus en hausse en 2020. Également en forte augmentation : les livres de fonds, notamment les classiques. En parallèle, on a assisté à une baisse "spectaculaire" de 16% du nombre de nouveautés — une première depuis 25 ans, souligne Nicolas Roche, directeur du BIEF.


Les autres secteurs éditoriaux, dont la littérature, ont moins bien résisté à la crise. D’après une enquête de l’institut IPSOS, réalisée à la demande du CNL, sur les habitudes de lecture pendant la pandémie en France, sortie en mars 2021, les lecteurs français ont préféré les livres de reportage et d’actualité aux romans, ce qui n’a pas empêché la vente record du Goncourt 2020 (L’Anomalie d’Hervé Le Tellier chez Gallimard) avec près d’un million d’exemplaires vendus. On trouve également en tête des ventes des livres de cuisine, telle la collection "Fait maison" (Éditions de La Martinière), les livres pratiques, notamment de Self Help, et parmi les livres sur l’actualité, ceux en lien avec la crise du Covid, les élections aux États-Unis ou sur le féminisme. La dimension des réseaux sociaux a également impacté la production, en témoigne la publication des best-sellers comme avec Toujours plus, + = +, de la youtubeuse Léna Situations, chez Robert Laffont.


Les différents dispositifs d’aide mis rapidement en place pour l’édition en France ont suscité un vif intérêt de la part des éditeurs russes qui apparemment n’ont pas pu compter sur le même niveau de soutien public. Si le leader du marché, Eksmo, a été l’un des premiers à bénéficier, dès le mois de juin, des crédits d’impôts de la part du gouvernement, le groupe Azbooka-Atticus (troisième du pays) n’a reçu aucune aide du gouvernement, d’après une étude basée sur un sondage auprès des éditeurs moscovites en septembre 2020 et publiée par le magazine Knijnaya Industria*

 

Selon cette même étude, le bilan de l’industrie du livre russe pour les trois premiers trimestres est très mauvais, avec une baisse du tirage moyen de 9,7% par rapport à 2019 ; une baisse du nombre de titres parus (41 154, soit moins 13,3% par rapport à 2019) et une diminution du nombre de maisons d’édition (1 578 en 2020 contre 1 759 en 2019). À Moscou, c’est "la grande dépression", le marché ayant connu le pire des scénarios possibles en  2020 : après s’être effondré au printemps, il peine à se redresser, constate Knijnaya Industria

 

Pour survivre, les libraires moscovites proposent souvent la vente en ligne avec livraison des commandes à domicile. Contrairement à la France, où l’achat en ligne avait fortement augmenté pendant le premier confinement, la vente sur Internet n’a pas explosé. Seuls 13% des personnes interrogées ont confirmé lire des livres électroniques par rapport à 23% en septembre 2019.


D’après les données de Rossiiskaia Knijnaya Palata (Chambre du Livre Russe), le secteur ayant le plus souffert de la crise est celui des sciences humaines, sociales et économiques, ainsi que de la littérature jeunesse (moins 1 123 titres). En ce qui concerne la littérature, les éditeurs publient moins de traductions et misent davantage sur les auteurs locaux, plus faciles à placer sur le marché. Suite aux restrictions de déplacement pendant la pandémie, les livres de tourisme local, proposant des voyages en Russie, ont connu un véritable boom. 


*Informations mises à disposition et traduites par Christel Vergeade, attachée de coopération pour le Livre à l’Institut français de Russie.


Katja Petrovic