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Portrait et entretien de professionnel

Stratégies d'éditeurs européens

avril 2020

Toujours pas de confinement aux Pays-Bas où les magasins restent ouverts mais attirent tout de même moins de clients. Les premières librairies ferment et Koen van Gulik, éditeur chez Uitgeverij Wereldbibliotheek se heurte à un autre problème : les ventes en Flandre où sa maison réalise une part importante de son chiffre d'affaires sont à l’arrêt pour cause de confinement.


Koen van Gulik, éditeur chez Uitgeverij Wereldbibliotheek : "Nous continuons à acheter des droits mais nous publierons moins de titres."

 

"Jusqu'à présent, les libraires ont plus ou moins bien résisté en vendant sur Internet, sans pour autant compenser les pertes de ventes en librairie. À ma connaissance, cinq librairies ont dû fermer définitivement. Le site de vente en ligne bol.com gagne en parts de marché. Si davantage de librairies ferment, cela aura bien évidemment un impact sur les ventes et le chiffre d'affaires des éditeurs.

 

Notre maison d’édition a connu une hausse des ventes les trois premières semaines de mars, les best-sellers se sont notamment bien vendus. Les librairies nous ont demandé de publier les gros titres comme prévu. Chez Wereldbibliothek, nous avons également pensé que repousser les sorties n'était pas une bonne idée. Cela provoquerait après la crise un tsunami de nouveautés dans lequel nos livres seraient noyés.

 

La situation en Flandre est devenue un gros problème pour nous : les librairies en Belgique sont toutes fermées, en raison du confinement dans le pays. Nous générons une grande partie de nos ventes en Flandre et n'y vendons désormais plus rien. Nos ventes ont baissé de 50% au cours de la dernière semaine de mars, en avril nous sommes à moins 30%. Désormais, nous envisageons trois scénarios pour l’avenir : une perte de ventes de moins 15%, une de moins 25% et une de moins 50% d'ici la fin de l'année. Et nous commençons à réfléchir à quels postes nous allons réduire pour faire des économies. Diminuer notre temps de travail ou même licencier du personnel sont des solutions à envisager.

 

En outre, nous allons probablement revoir à la baisse la production de nos titres et reporter leur publication. Cependant, nous continuons à acheter des droits : ils sont notre carburant. Notre programme sera maintenu tel quel. Le contact avec nos collègues étrangers est, comme toujours, très bon, nous partageons nos expériences et nos idées, mais les situations sont tellement différentes d’un pays à l’autre que les comparaisons sont inutiles.

 

Jusqu'à présent, l'industrie du livre néerlandaise a agi collectivement : les éditeurs soutiennent les librairies en leur accordant des délais de paiement différés et le gouvernement a promis 90 milliards d'euros pour soutenir l'économie. Mais je n’ai aucune idée de ce qui se passera après la crise, cela dépend principalement du temps qu’elle durera."

 

 

Anja Hänsel, éditrice chez Piper Verlag : "Notre programme sera fortement impacté par la crise jusqu’au printemps 2021."

 

Anja Hänsel travaille comme éditrice de non-fiction chez Piper. Même si le confinement n’est pas aussi strict en Bavière qu’en France, la vie à Munich est au ralenti. Les librairies sont fermées. Mais, constate l’éditrice, il est fascinant de voir avec quelle créativité les libraires réagissent à la crise. Les éditeurs quant à eux sont obligés de reporter leurs nouveautés.

 

"Il est actuellement beaucoup plus difficile d’informer les lecteurs de nos nouveautés. La Foire du livre de Leipzig a été annulée et depuis mi-mars les librairies sont fermées. Mais nous sommes très actifs sur les réseaux sociaux. Nous organisons des lectures Facebook en direct le soir, des Takeover sur Instagram (opération événementielle par laquelle un éditeur confie la gestion de ses réseaux sociaux à une personnalité ou un influenceur) et nous demandons aux blogueurs connus de recommander nos titres.

 

Je suis très impressionnée par l'inventivité des libraires qui assurent leurs livraisons à vélo, donnent des conseils de lecture via leurs vitrines ou qui remplacent les lectures par des rendez-vous en ligne. Les éditeurs prolongent les délais de paiement des libraires et les distributeurs font des livraisons groupées pour les livres encore disponibles.

 

Chez Piper, nous avons reporté certains titres qui auraient dû paraître en avril/mai à l'automne 2020. Ça s’est fait au cas par cas. Pour chaque titre, nous nous sommes demandé s’il aurait sa chance sur le marché malgré la crise. Pour éviter trop de publications cet automne, certains de nos livres prévus pour la rentrée ont dû être repoussés au printemps 2021. Il est évident que la crise impactera encore fortement notre programmation jusqu'à l'année prochaine. Je m’occupe également des acquisitions chez Piper. Déjà en temps normal, il y en a moins en sciences humaines qu’en littérature. Nous achetons peu de titres étrangers en ce moment, car personne ne sait comment la situation va évoluer dans les prochains mois. C'est pourquoi nous examinons d’encore plus près nos acquisitions. En ce qui concerne le contact avec mes collègues étrangers, peu de choses ont changé, car nous travaillons principalement par e-mail et par téléphone. Mais l’échange est devenu plus personnel.

 

Pour l’instant je ne pense pas encore à l’après crise en Allemagne. J'espère bien sûr que les personnes confinées accorderont davantage de temps à la lecture et que le besoin de lire sera plus grand que jamais par la suite !"


Propos recueillis par Katja Petrovic et retranscrits tels qu’ils nous parviennent

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