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Portrait et entretien de professionnel

Stratégies d'éditeurs d'Asie

avril 2020

Rika Ito, responsable de droits étrangers chez Iwanami Shoten à Tokyo et Yaqin Huang, éditrice de littérature française chez Shanghai Translation Publishing House, évoquent l'évolution du secteur à l'heure du coronavirus : chute des ventes de droits et augmentation des ventes en ligne d'e-books et de livres audio.


Yaqin Huang, Shanghai Translation Publishing House : "Plus d’un million de yuans en dix jours, grâce à notre e-boutique sur Alibaba"

 

Yaqin Huang est éditrice de littérature française chez Shanghai Translation Publishing House, spécialisée dans la publication des œuvres étrangères traduites en chinois depuis 40 ans. Elle a participé au Fellowship de Paris en 2018. Voici son témoignage.

 

"D’après le magazine chinois Publishers, le chiffre d’affaires des libraires a baissé de plus de 93 % en janvier 2020. Elles ont beaucoup de mal à faire face à la crise car en Chine nous vendons et achetons nos livres surtout sur Alibaba, Dangdang et Jingdong (équivalent d’Amazon). Pour le moment, il n’y a pas de financement spécifique pour protéger l’édition. Pourtant, le gouvernement a proposé des mesures générales consistant à baisser les cotisations sociales des entreprises.

Côté édition, nous rencontrons avant tout des problèmes de logistique à cause du confinement. Notre imprimerie est, par exemple, à Shanghai, alors que nous avons besoin d’un papier particulier pour les couvertures, produit par une usine qui se trouve dans une autre province. Il faut donc beaucoup plus de temps pour acheminer le papier. 

 

Évidemment, nous sommes tous en télétravail et quelquefois ce n’est pas très pratique. Auparavant, nous pouvions discuter directement avec les designers, les distributeurs, nos collègues du marketing. Maintenant, nous échangeons sur Internet, par téléphone, c’est plus long et nous devons nous habituer à cette nouvelle façon de travailler ensemble.

 

Concernant les bonnes stratégies à mettre en place, nous attachons plus d’importance aux e-books et aux livres audio. Le numérique est devenu très important. Nous organisons des rencontres sur Internet avec les librairies et les bibliothèques.

 

Récemment, notre maison a ouvert sa propre e-boutique sur Alibaba. En dix jours, le chiffre d’affaires a atteint plus d’un million de yuans (environ 130 000 euros), alors qu’au départ, nous pensions que ce n’était pas une bonne idée d’ouvrir une e-boutique pendant l’épidémie. Mais le résultat est impressionnant et les avantages sont évidents : le stockage et la logistique sont plus faciles et nous pouvons pratiquer de fortes remises sur les livres.

D’ailleurs, certains titres sont vite devenus des bestsellers : La Peste de Camus ; Guns, Germs and Steel : The Fates of Human Societies par Jared Diamond ; The Hot Zone par Richard Preston ; A journal of the Plague Year par Daniel Defoe et And the Band Played on par Randy Shilts – c’est intéressant."

 

 

Rika Ito, Iwanami Shoten : "Nous craignons une chute considérable de nos ventes de droits en 2020"

 

Rika Ito travaille au département des droits étrangers chez Iwanami Shoten à Tokyo, une des plus vieilles maisons d’édition au Japon, spécialisée en sciences humaines et sociales. Si le Japon était un des premiers pays après la Chine à recenser des cas de coronavirus, le nombre de personnes infectées n’a que très peu augmenté selon les statistiques officielles. Depuis le report des Jeux olympiques annoncé le 24 mars, l’inquiétude face au virus semble avoir gagné la capitale japonaise. Après avoir refusé l’état d’urgence, le gouvernement a fortement recommandé aux Tokyoïtes de rester chez eux.

 

"À l'heure actuelle, aucune réglementation stricte n'a été adoptée au Japon. Le 25 mars, le gouvernement nous a "fortement recommandé" de rester confinés chez nous le week-end en raison des tests positifs qui augmentent rapidement à Tokyo. Le télétravail avait déjà été mis en place auparavant dans les grandes entreprises.

 

Quant à moi et à mes collègues du département des droits étrangers, nous devons encore nous rendre au bureau parce que les contrats de cessions de droits font partie des documents que nous ne sommes pas autorisés à emporter à l'extérieur. Je trouve que c’est bien car cela nous permet de travailler normalement. Nous essayons d'éviter autant que possible les heures de pointe dans les transports pour ne pas attraper le virus.

 

D’un point de vue commercial, la situation est difficile car la plupart des négociations avec les éditeurs chinois étant suspendues, nous ne pouvons pas finaliser les contrats pour obtenir des avances. Nous craignons que nos ventes de droits ne chutent considérablement cette année.

 

Le gouvernement essaie d'allouer un budget supplémentaire pour soutenir les petites entreprises et les travailleurs indépendants, mais aucune action concrète n'a été menée à ce jour. En outre, les banques accordent désormais un délai aux entreprises si leurs difficultés sont en lien avec la pandémie.

Par ailleurs, ici les lecteurs commencent à apprécier les e-books et nous espérons que nos ventes de livres électroniques finiront par augmenter. Je pense également que la situation a accéléré notre passage à la signature électronique des contrats de licence, ce qui est une bonne chose."


Ces propos recueillis par Katja Petrovic sont retranscris tels qu’ils nous parviennent

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