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Compte rendu

Retour sur les rencontres franco-néerlandaises d'éditeurs de livre pratique

février 2018

12-14 février 2018

35 éditeurs de livre pratique français, flamands et néerlandais se sont rendus à Amsterdam et Anvers pour renforcer leurs liens professionnels et pour mieux comprendre l’organisation et les tendances de leur marché du livre respectif.


Une des différences entre les marchés du livre français et néerlandais saute aux yeux lorsqu’on entre dans la librairie Scheltema Boekhandel à Amsterdam. Sur les tables, des piles de livres anglophones, lus en version originale par les Néerlandais. Ainsi The Subtle Art of not Giving a Fuck de Mark Manson domine le rayon livre pratique. La traduction néerlandaise sortira dans six mois, tandis que le bestseller américain est déjà paru en français chez Eyrolles (L’art subtil de s’en foutre).

 

12% des livres se vendent en anglais aux Pays-Bas

"Les éditeurs néerlandais ont 12 mois d’avance", remarque Jean-François Richez, responsable des droits chez Larousse, "ils n’attendent pas Francfort pour découvrir les tendances venant d’outre-Atlantique." Cependant, pour eux la vente des livres en anglais est aussi une concurrence. "Nous devons trouver et traduire nos titres étrangers rapidement pour faire face à cette offre", explique Willemijn Visser, directrice de la section culinaire et Lifestyle chez Nieuw Amsterdam.

 

La cuisine, un secteur en plein développement

Outre les nombreuses traductions aux Pays-Bas, les éditeurs néerlandais ont développé leur propre production : écologie, nature, bien-être, santé, famille, véganisme, secteurs où l’on retrouve les mêmes tendances qu’en France. En tête des ventes, la production de livres de cuisine d’auteurs néerlandais a beaucoup augmenté ces dernières années et le français n’est plus la première langue traduite. "Les livres de cuisine français doivent être vraiment exceptionnels pour qu’on les achète", explique Jonah Freud, éditrice chez Kookboekhandel. Proposer des livres de qualité est aussi une réponse à la présence des magazines de cuisine très haut de gamme aux Pays-Bas, dont certains sont distribués gratuitement par des grandes surfaces.

 

De nouvelles voies de promotion

Face à cette concurrence, les éditeurs doivent faire preuve de créativité. Soirées "lecture et dégustation" en librairie, rencontres ou workshops avec un grand chef peuvent attirer entre 400 et 500 personnes. Idem en France, explique Laure Paoli, directrice du département livre pratique chez Albin Michel, pour qui la concurrence sur Internet représente également un défi. Si la présence des youtubers ou blogueurs peut poser problème lorsque les stars de la blogosphère demandent des droits d’auteurs faramineux, elle est aussi une énorme opportunité. "C’est un nouveau marché que nous devons travailler", pense Claire Schalm de Kosmos, leadeur du marché en cuisine aux Pays-Bas.

 

L’imbrication du marché belge flamand et néerlandais

L’imbrication du marché belge flamand et néerlandais était également un sujet abordé pendant ces rencontres. Estimé à 17 millions de personnes, soit presque trois fois le nombre de Flamands, le marché néerlandais est une manne pour les éditeurs flamands, qui y ont cependant difficilement accès. Si la différence entre les deux langues est du même ordre que celle de l’anglais et de l’américain, les ouvrages s’exportent peu de la Belgique vers les Pays-Bas. "Il y a un mur entre les deux pays", précise l’éditrice flamande Patricia Defour de Standaard Uitgeverij. Pour Jenneke van Mourik qui représente l’éditeur belge TerraLannoo aux Pays-Bas, ces difficultés sont avant tout liées aux différents fonctionnements des deux marchés.

 

Standaard Boekhandel a le quasi-monopole en Flandre

Tandis qu’il existe une grande pluralité de librairies aux Pays-Bas, la librairie en Flandre est quasi exclusivement incarnée par la chaîne Standaard Boekhandel. Cette omnipotence en fait un agent déterminant pour la publication et la vie d’un ouvrage, ce qui devient problématique. Si la région compte six magasins Fnac, celle-ci n’est pas toujours considérée comme un acteur majeur du livre et le seul véritable concurrent de Standaard est Internet dont le poids des ventes est en hausse. Avec un turn-over d’environ six mois dans les librairies Standaard, la toile offre une seconde vie à un titre et devient, elle aussi, déterminante. Le prix fixe entré en vigueur en début d’année en Belgique aidera peut-être à rétablir la situation vers une plus grande pluralité de librairies. Cependant, la durée du prix fixe étant limitée à six mois, les éditeurs flamands craignent plutôt que les ventes d’un titre ne débutent qu’une fois ce laps de temps écoulé.

 

Aucun média néerlandais n’est suivi en Flandre

Des différences culturelles expliquent la non-circulation des livres. À la surprise des éditeurs français, ni journaux, ni radios, ni programmes télévisés néerlandais ne sont suivis en Flandre. La production flamande reste très locale. Il arrive cependant que Flamands et Néerlandais s’associent pour des achats de droits et publient en coéditions. "Dans le domaine du livre pratique, cela peut fonctionner. Nous avons publié un livre sur les listes des vœux, les vœux des amoureux par exemple, qui s’est très bien vendu dans les deux pays autour de la Saint Valentin", témoigne Jenneke van Mourik.

 

"C’est compliqué la Belgique ! Même pour nous !"

Pour ajouter un peu de piquant, les éditeurs flamands doivent de temps en temps composer avec le plurilinguisme officiel de leur pays, et acheter les droits pour le flamand et le français. C’est le cas lors de partenariats avec des supermarchés par exemple. Ils peuvent alors se heurter à la concurrence de l’export et devoir renoncer. C’est finalement avec un grand sourire et en français que les éditeurs flamands ont déclaré "Eh oui ! C’est compliqué la Belgique ! Même pour nous !"


Laurence Risson et Katja Petrovic

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