Articles

Imprimer Partager sur Facebook Partager sur Twitter Partager sur LinkedIn

Article

Le webtoon, qu'est-ce que c'est ?

mars 2016

Ce n’est pas un hasard si le webtoon a vu le jour en République de Corée, pays féru de nouvelles technologies et terre des manhwa, des bandes dessinées à l’identité affirmée, qui concurrencent aujourd’hui les mangas japonais. Par Danièle Rauscher, chargée de mission Livre à l'Institut français de Corée.


Le webtoon, mais qu’est-ce que c’est ? Une spécificité coréenne

Ce n’est pas un hasard si le webtoon a vu le jour en République de Corée, pays féru de nouvelles technologies et terre des manhwa, des bandes dessinées à l’identité affirmée, qui concurrencent aujourd’hui les mangas japonais.

Le terme webtoon est une contraction de deux mots anglais, website et cartoon. Comme le laisse deviner ce nom évocateur, il s’agit de bandes dessinées numériques. Il serait cependant réducteur d’affirmer qu’un webtoon n’est rien d’autre que la mise à disposition en ligne de bandes dessinées traditionnelles. En effet, ce phénomène coréen est un pur produit de l’époque et de la société hyper-technologiques dans lesquelles il a vu le jour : plutôt que de reproduire numériquement des BD en format papier, les plates-formes coréennes de diffusion de contenus telles que Naver ou Daum, entre autres, se sont évertuées à encourager la création de contenus inédits, spécialement adaptés aux supports sur lesquels ils sont diffusés. Ainsi, les webtoons (qui peuvent être consultés sur n’importe quel appareil, mobile ou non) se lisent par défilement vertical, bulle après bulle, ce qui est particulièrement agréable.

 

Un nouveau mode de lecture

Par ailleurs, le caractère "sérialisé" de ces contenus, présentés au public coréen au compte-gouttes (à raison, bien souvent, d’un "épisode" par semaine), n’est pas sans rappeler les romans-feuilletons français du XIXe siècle, dont les intrigues maintenaient en haleine un lectorat avide d’aventures rocambolesques. Toutefois, une (notable) différence réside dans le fait que, désormais, les lecteurs peuvent interagir directement avec les auteurs (en apparence, du moins), ce qui permet, de la part du public, une implication émotionnelle et une identification aux héros plus fortes ainsi qu’un rapport plus fusionnel avec l’histoire narrée.

 

Si le webtoon est désormais un genre bien établi en Corée, peu d’acteurs français se sont à ce jour lancés, à l’exception de Delitoon, qui est le représentant le plus visible du webtoon à la française avec, notamment, la série LastMan, conçue par les bédéistes renommés que sont Balak, Bastien Vivès et Michel Sanlaville. Cette nouvelle façon de tisser des liens entre les lecteurs et les œuvres, entre le public et les auteurs, n’est pourtant pas dénuée d’intérêt : en effet, nombreux sont ceux qui pensent aujourd’hui que l’avenir de l’édition se trouve dans les cessions de droits et dans le numérique. Or, le webtoon offre des opportunités dans ces deux domaines, puisqu’il n’est pas rare de voir des œuvres numériques adaptées à la télévision (à l’instar du webtoon coréen à succès, Misaeng, devenu un drama tout aussi populaire, ou, prochainement, de LastMan) et que, par ailleurs, le support numérique sur lequel repose cette forme de bande dessinée a une indéniable influence sur les modes de lecture du public.

Enfin, pour ceux qui ne seraient pas spécialisés dans la bande dessinée, il est quand même possible d’envisager de transposer le modèle du webtoon à d’autres genres, notamment en créant des ponts entre plusieurs supports (papier et numérique, par exemple, comme cela a déjà été tenté par Anthony E. Zuiker avec son "thriller immersif", Level 26).


Danièle Rauscher, chargée de mission Livre et débats d’idées, Institut français de Corée