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Compte rendu

Foire du livre de Londres : "Pas encore un retour à la normale, mais presque"

mai 2022

5 au 7 avril

Après deux ans d'interruption pour cause de pandémie, la nouvelle édition de la London Book Fair s'est déroulée dans le palais des expositions d'Olympia, à West Kensington. Retour sur cet événement par Mathias Rambaud, attaché du livre à l’ambassade française au Royaume-Uni et Jean Mattern, directeur du domaine étranger aux éditions Grasset. 


Rendez-vous incontournable du monde éditorial britannique et international, deuxième après Francfort s'agissant de l'importance et des volumes de contrats signés, la Foire de Londres a consacré son focus 2022 à Sharjah, l’un des Émirats arabes unis. En dépit de quelques annulations de dernière minute dues au Covid-19, ce ne sont pas moins de 477 exposants de 56 pays différents qui ont participé à cette édition, marquée par le retour des échanges en personne. De l'avis général des éditeurs, responsables de droits, agents et scouts, qui semblent avoir épuisé toutes les ressources du numérique (à moins qu'ils n'aient été, comme nous tous, épuisés par elles !), le caractère "présentiel" de ces rencontres B to B est irremplaçable. 

 


Fidèle à la tradition, le Bureau international de l'édition française occupait l'un des meilleurs emplacements, la France étant, historiquement, l'un des premiers pays à avoir rejoint la London Book Fair, aux origines de l'événement dans les années 1970. Cette année, 70 maisons d'édition françaises étaient représentées et 165 professionnels accrédités, et même s'il est encore trop tôt pour tirer des leçons du cru 2022, les échanges avec les professionnels témoignent d'un enthousiasme à renouer avec des pratiques classiques de négociation.

 

Belle fréquentation sur le stand du BIEF à Londres 


La London Book Fair, c'est aussi un éventail de prix récompensant les succès de l'édition internationale. Le Prix de l'innovation éducative, créé cette année, a été attribué à une maison française : les Éditions Animées, pour les moyens "innovants et attirants, alliant technologie et éducation, qu'elles utilisent pour intéresser les enfants au monde de la lecture". Quant au Lifetime Achievement Award, sorte de César d'honneur de l'édition, qui avait été attribué, on s'en souvient, à Antoine Gallimard en 2010, il a été décerné à l'éditeur japonais Hiroshi Hayakawa.  

 

Avec 388 titres cédés en 2020 (un chiffre en légère augmentation), le livre français a le vent en poupe au Royaume-Uni. Même si les livres traduits ne représentent qu'une faible proportion (6%) d'un marché britannique en surpoids visible par ailleurs (210 000 titres publiés par an en moyenne), le français occupe la première place des langues sources avec 17% des livres traduits. Notons aussi que l'année dernière, l’International Booker Prize a été attribué pour la première fois à un roman français : Frère d'âme de David Diop, paru dans la traduction anglaise d'Anna Moschovakis chez Pushkin Press, et arrivé en dernière sélection - fait inédit - aux côtés d'un autre livre français, La Guerre des pauvres, d'Éric Vuillard. 


Judith Rosenzweig, directrice des droits étrangers chez Gallimard  à Londres

 

Une fois encore, l'Institut français du Royaume-Uni (IFRU) et le BIEF se sont associés pour offrir aux éditeurs, responsables de droits, agents, scouts et traducteurs des deux côtés de la Manche un grand moment convivial de réseautage, ouvert par un discours de Bertrand Buchwalter, directeur de l'IFRU, et de Nicolas Roche, directeur du BIEF. 

 

Conscient de ce que le livre est la première industrie culturelle à l'exportation et que le Royaume-Uni fait partie des pays stratégiques dans le domaine, le Bureau du livre de l’IFRU poursuit une politique volontariste, par le biais de ses divers programmes de soutien (Burgess, Scott Moncrieff Prize) et de programmation (Nuit des idées, Choix Goncourt du Royaume-Uni, Mois de la Francophonie, Festival Beyond Words, South Ken Kids Festival), et par sa participation active à la London Book Fair.  

Rendez-vous l'année prochaine !

 

Mathias Rambaud, attaché livre à l’ambassade française au Royaume-Uni



"La prudence est de mise chez beaucoup d'entre nous"


Pour compléter le retour sur la Foire de Londres en 2022, le BIEF a recueilli quelques impressions de la part de Jean Mattern, écrivain et responsable du domaine étranger chez Grasset.

 

La Foire de Londres qui vient d’avoir lieu était celle des retrouvailles pour un très grand nombre d’entre nous, et l’ambiance était par conséquent assez joyeuse. L’impression de faire à nouveau partie d’une famille dont on n’a pas pu voir les cousins plus ou moins proches depuis des années... En conséquence, la tonalité des rendez-vous était légèrement différente, moins "business" que d’habitude. Il y a eu beaucoup d’échanges et de discussions sur l’état de nos marchés après deux années de Covid, des spéculations sur les mois à venir aussi. La situation politique internationale a bien sûr pesé dans nos conversations. 

 

On observe une plus grande prudence sur le marché des droits, il me semble. Il y a eu peu de ces fameux livres dont tout le monde parle avant et pendant la Foire, et les éditeurs sont moins enclins à prendre des risques inconsidérés, en littérature générale tout au moins. La prudence est de mise chez beaucoup d’entre nous, et après des reports assez fréquents de titres à cause du Covid, les programmes de beaucoup d’éditeurs sont bien remplis. 

 

Dans un espace plus ramassé, la circulation entre le stand du BIEF, très fréquenté, les stands individuels des éditeurs anglo-saxons et le centre des agents était plus aisée que par le passé, et cela a conduit à plus de rencontres spontanées également. En somme, ce n’était pas encore un retour à la normale, mais presque. J’ai le sentiment que beaucoup d’éditeurs sont repartis de Londres non pas forcément avec beaucoup de titres précis en tête, mais avec une nouvelle énergie.

 

Propos recueillis pas Christine Karavias 



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