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Compte rendu

Les Coffee Break : des visios intenses et savoureuses !

juillet 2021

10, 17 & 24 juin 2021

Suite à l’annulation de Livre Paris, le BIEF et la Foire du livre de Francfort ont organisé une série de courtes visioconférences pour donner la possibilité aux professionnels français et allemands d’échanger sur les défis et les évolutions du monde du livre dans ce contexte de pandémie. 


Discuter pendant 30 minutes, le temps d’un café – voilà l’idée, derrière les Coffee Break, une série de trois visioconférences modérées par la journaliste Olivia Snaije (Publishing Perspectives) et proposées par le BIEF et la Foire de Francfort permettant d’aborder des sujets d’actualité dans le domaine de l’édition durant ce contexte de crise. À commencer par une discussion sur "la fin des salons" réunissant Nicolas Roche, directeur du BIEF, et Jürgen Boos, directeur de la Foire du livre de Francfort. S’il est vrai que la plus grande foire du monde est toujours en difficulté, elle aura bel et bien lieu cette année. "Les exposants européens seront au rendez-vous tandis que les éditeurs d’Asie, d’Amérique latine et du Nord hésitent encore", rapporte Jürgen Boos, non sans souligner que la Foire de Francfort sera en mesure de rembourser les frais en cas d’annulation. Du côté français, de nombreux éditeurs dont certains grands groupes ont décidé d'être présents sur le stand collectif du BIEF dont la taille sera considérablement augmentée cette année.


Pas de clap de fin pour les grandes foires


Nicolas Roche (BIEF), Jürgen Boos (Foire du livre de  Francfort)

et Olivia Snaije (Publishing Perspectives) discutent de l'avenir des foires du livre 

Après une première édition entièrement digitale en 2020, dont l’écho a été mitigé, la Foire revient à une formule hybride et souhaite se focaliser sur l’aspect B to B. Afin d’attirer davantage d’acheteurs de droits dont la présence se faisait rare sur la plateforme digitale l’année dernière, la foire compte rendre les profils des maisons plus clairs et leurs titres plus visibles. "Il est indispensable de mieux cibler et identifier les bons interlocuteurs, qu’il s’agisse d’éditeurs ou de nouveaux acteurs, venant d’autres secteurs, tel Netflix", explique Jürgen Boos. Pas de fin donc pour les grandes foires, ni à Francfort ni à Londres. "Je suis convaincu que les gens continueront à voyager et les jeunes professionnels ont besoin des foires réelles car il est impossible de se faire un réseau en ligne". La Foire de Londres restera également attractive, selon Nicolas Roche, mais devrait être moins centrée sur l'Europe et les stands moins chers car "les éditeurs seront désormais plus attentifs au coût-bénéfice de leurs voyages."


Vente des droits, liberté d’expression et censure


Coffee break sur la censure avec Nora Mercurio (Suhrkamp), Judith Rosenzweig (Gallimard)

et Olivia Snaije (Publishing Perspectives)

Autre sujet abordé : les différentes formes de censure et leur impact sur la vente des droits, ce dont ont témoigné Nora Mercurio, directrice des droits aux éditions Suhrkamp, et son homologue chez Gallimard, Judith Rosenzweig. Confrontés à ce problème de façon quotidienne, les services des droits adoptent une stratégie pragmatique : "J’ai tellement de livres à faire traduire et il y a si peu de créneaux que je dois sélectionner les titres que je présente. Ce serait une perte de temps de proposer un livre sur un couple gay à un éditeur saoudien", explique Nora Mercurio. Idem en Chine ou en Iran où les ouvrages sur l’histoire et la politique du pays, sur la sexualité ou la religion sont tabous, même si la censure peut être plus ou moins stricte selon le contexte et même si quelques rares éditeurs n’hésitent plus à signaler les modifications effectuées dans les textes. "Dans ce cas, nous pouvons en discuter avec l'auteur. Si le sens n'est pas modifié, nous pouvons probablement accepter les changements, si l'idée du livre est en danger, nous refusons la publication."


Mesurer les risques 

La situation devient plus complexe lorsque la censure est moins institutionnalisée et se joue davantage au niveau socio-culturel, comme en Turquie ou en Russie. "Cette forme de censure peut aussi être dangereuse pour l'éditeur. Malgré tout il y a dans ces pays une certaine liberté, des éditeurs indépendants qui prennent le risque de franchir la ligne et qui savent gérer la censure", explique Judith Rosenzweig. "Dans ce cas, nous en parlons ouvertement et nous sommes prêts éventuellement à changer un titre pour ne pas attirer l'attention du gouvernement sur le livre en question", ajoute Nora Mercurio.


De nouvelles formes de censure

Si la censure est ancrée dans les pays autoritaires, elle devient de plus en plus présente dans les pays démocratiques sous forme de Cancel Culture et dans un climat de peur quant à l’appropriation culturelle, notamment dans les pays anglo-saxons. La presse française avait abordé le sujet l’année dernière à propos du roman Alma, le vent se lève de Timothée de Fombelle dans lequel le lecteur suit les aventures d'une jeune Africaine au temps de l'esclavage ; cette trilogie étant racontée par un homme blanc sa publication aux États-Unis faillit être compromise. "Le politiquement correct affecte de plus en plus la liberté d'expression. Cette nouvelle forme de censure est inquiétante et peut aller des coupes légères jusqu’à l'interdiction totale du livre", déplore Judith Rosenzweig.


Publishers Podcasts – une nouvelle forme de promotion

Un échange sur les nouveaux podcasts des éditeurs entre Demian Saint’Unione, directeur du marketing Web aux éditions Suhrkamp, et Sophie Perfus-Mousselon, directrice des ventes et du marketing chez JC Lattès, a clos la saison de Coffee Break. L’industrie audio, qui avait déjà le vent en poupe depuis quelques années, a indéniablement profité de l’accélération numérique due à la pandémie. Le podcast perçu à ses débuts comme l’apanage des médias, est devenu un format ouvert à tous et dont se sont emparé les éditeurs pour toucher de nouveaux publics.


Les éditions Suhrkamp se sont lancées en 2019. "Nous ne voulions plus une présentation titre par titre mais un podcast thématique sous forme de conférences, animées par un modérateur de la télévision connu, pour faire le lien entre nos livres appartenant aux différents domaines éditoriaux", explique Demian Saint’Unione. De leur côté, les éditions JC Lattès ont misé sur un podcast audio sur le processus d’écriture avec les auteurs de la maison. Il est réalisé sous forme d’interviews animées par Sarah Masson, journaliste à France Inter et elle-même auteur d’un premier roman chez JC Lattès. Un moyen de continuer la promotion pendant le confinement et de produire de nouveaux contenus pour les réseaux sociaux. D’abord partagés sur YouTube, Twitter, Facebook et Instagram, les deux podcasts sont maintenant accessibles sur des applications dédiées à ces formats, Google et Apple pour les vidéos, Deezer et Spotify pour les audios. En direction de leur public habituel, rarement connecté à ces applications, Suhrkamp et JC Lattès proposent aussi leurs podcasts sur leurs propres sites.


"Il va falloir mettre davantage de budget dans ces nouvelles formes de marketing", souligne Sophie Perfus-Mousselon qui cite à ce propos un modèle américain qui semble avoir fait ses preuves et selon lequel il faut investir la même somme pour la production et pour la promotion d’un podcast. Affaire à suivre…


Revoir les Coffee Break sur la chaîne YouTube de la Foire du livre de Francfort


Katja Petrovic

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