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Compte rendu

"On sent une très belle vitalité chez les éditeurs roumains"

juin 2019

29 mai - 2 mai 2019

Pour la première fois depuis 2012, le BIEF a participé au Salon du livre de Bucarest. L’occasion de découvrir une édition roumaine en renouveau et très dynamique, notamment dans le domaine de la jeunesse. L’écho positif de la part des professionnels du livre français amène le BIEF à revenir à cette foire en 2020.


C’est au lendemain des élections européennes, dans un contexte de crise que s’est ouverte la treizième édition du Bookfest à Bucarest. Des centaines de milliers de manifestants s’étaient à nouveau réunis dans la capitale roumaine pour protester contre le projet d’assouplissement des lois anti-corruption auquel le gouvernement roumain a finalement renoncé début juin suite à la pression de Bruxelles qui avait placé Bucarest sous surveillance en janvier alors que la présidence roumaine du Conseil de l’UE avait à peine commencé.

 

Un contexte politique et social intense donc, dans lequel s’inscrivait également la saison France-Roumanie qui a donné l’occasion au BIEF de s’associer avec l’Institut français de Roumanie pour une participation au salon. De nombreux professionnels du livre français se sont rendus à Bucarest dont les auteurs Didier Decoin, Sophie Brocas, Anne-Claire Lévêque et Céline Raphaël, l’illustrateur Romain Dutter et une délégation d’éditeurs français (Anne Bouteloup pour Gallimard Jeunesse, Clara Bruey pour Hachette Jeunesse, Eléonore Sclavis et Morgane Le Goanvec pour Fleurus et ses marques, Judith Becqueriaux pour Denoël, Delphine Ribouchon pour La Découverte et Alix Orhon pour Stock). Beaucoup d’entre eux avaient déjà participé au Bookfest en 2012.

 

800 titres de la sélection Foires du Monde du BIEF ont été commercialisés par la librairie française Kyralina sur un stand de 100 m² dédiés à la fois aux professionnels et au public, permettant aux lecteurs et éditeurs roumains de renouer avec l’édition française et son actualité. Présents à Francfort et Bologne, les éditeurs roumains ne sont pas très présents sur les autres salons internationaux, et ce d’autant moins qu’ils travaillent étroitement avec les deux agences Simona Kessler et Livia Stoia.

 

Prendre le temps pour se rencontrer

 

Même si les éditeurs sont dans l’ensemble satisfaits de leur collaboration avec les agents, rencontrer les éditeurs locaux au Bookfest leur a permis de faire une présentation plus complète de leur catalogue, comme le précise Morgane Le Goanvec : "Ce genre de foire, plus petite, plus intime, permet de prendre du temps pour visiter les stands des éditeurs présents, de voir ce qui plaît en librairie et ce que recherche le public. Cela permet de faire des suggestions plus ajustées aux éditeurs."

"Le fait que beaucoup d’éditeurs soient présents pour vendre sur leur stand m’a également permis de prendre le temps pour mes rendez-vous, ce qui n’est pas forcément possible sur d’autres foires où ils doivent courir d’un hall à l’autre", ajoute Eléonore Sclavis. Pour Alix Orhon, le salon fut avant tout l’occasion d’élargir son carnet d’adresses : "J’ai rencontré des éditeurs avec lesquels je n’avais jamais vraiment été en contact et/ou que j’ai découverts sur le salon." Même constat pour Anne Bouteloup qui, sur dix-sept rendez-vous, a rencontré pour la première fois quatre éditeurs. "J'ai aussi eu un rendez-vous très intéressant avec un éditeur, que je n’avais pas vu depuis 2009, lors de ma visite à Gaudeamus, la foire internationale de l'éducation et du livre de Bucarest", ajoute la directrice des droits jeunesse chez Gallimard.

 

La jeunesse, un secteur en plein essor

 

Le livre pour la jeunesse explose en effet en Roumanie depuis quelques années (plus précisément depuis trois ans selon les éditeurs roumains), et les cessions de droits des éditeurs français s’en ressentent. Comparé à 2009 où selon Anne Bouteloup "des pans entiers de l’édition jeunesse 'à l’occidentale' étaient absents - très peu d’albums, aucun grand classique (…), peu de fiction autre que la fantasy - tous les albums classiques ont été traduits et publiés entre-temps et les albums jeunesse submergent à présent littéralement les stands des éditeurs concernés." "On sent une très belle vitalité chez les éditeurs roumains, petits et grands, avec un soin croissant apporté au design des couvertures et à la fabrication", déclare également Judith Becqueriaux qui remarque "une effervescence générale dans le domaine des livres pour enfants et adolescents. Tous les éditeurs importants sont désormais dotés d’un département jeunesse." La BD et le roman graphique pour adultes en revanche restent encore assez marginaux selon elle, "notamment en traduction, mais on sent poindre un vrai intérêt pour le genre et pour la production française."

 

"La littérature française est un gage de qualité"

 

Car c’est d’un pays historiquement très francophile et qui regarde la France d’un œil attentif. "Globalement, on sent que pour les acteurs du livre en Roumanie, la littérature française est associée à un certain prestige, dès qu’il s’agit de textes de fiction ou de genres hybrides, elle est un gage de qualité", remarque Alix Orhon qui ajoute : "La francophonie est bien entendu un témoignage de la francophilie et beaucoup d’éditeurs, surtout de l’ancienne génération, parlent un français impeccable et sont plus enclins à acheter du français. Cependant, on ne peut clairement pas se reposer là-dessus car beaucoup m’ont demandé si j’avais du matériel en anglais."

 

Le marché du livre dans ce pays de lecteurs où la culture du texte est fortement ancrée semble donc se rétablir progressivement. Restent quelques bémols comme le circuit de distribution toujours fragile à l’échelle nationale et qui pourrait être tenté de s’organiser à l’échelle régionale si les autres villes du pays comptaient suffisamment de librairies. C’est donc principalement à Bucarest que la chaîne du livre s’organise, avec, comme le note Delphine Ribouchon "une dynamique commerciale qui semble assez bonne, des maisons qui se développent en occupant par exemple les créneaux de la jeunesse ou des livres de self-développement" et qui, auprès de Morgane Le Goanvec, ont témoigné d’un intérêt croissant pour les beaux-arts et les jeux.


Laurence Risson

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