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Portrait et entretien de professionnel

Questions à Silvia Monteil, directrice de la Livraria francesa de São Paulo

mars 2015

Fondée dans les années 40, la Livraria francesa a ouvert des points de vente dans les Alliances françaises de São Paulo et Santo André, et en ouvrira en 2015 à Ipanema et Rio.  


Alice Toulemonde : Comment est née l’idée d’une librairie française à São Paulo, dans un pays non francophone ?

 

Silvia Monteil : La Livraria francesa de São Paulo a été fondée dans les années 40 par mes grands-parents, Paul et Juliette Monteil, originaires de Lyon. Ils résidaient au Brésil depuis 1937, dans le cadre d’un contrat de mon grand-père, qui était ingénieur, avec l’entreprise française Rhône-Poulenc. Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, ils décident de rester, car ils avaient deux enfants encore petits.

À cette époque, la culture française était très présente dans la société brésilienne et la langue française était même apprise dans les écoles. Les Brésiliens n’avaient pourtant pas accès aux livres français, et durant ce temps où Paul ne peut rentrer en France, il rêve de devenir libraire pour diffuser la pensée et la culture de son pays au Brésil.

En janvier 1947, mes grands-parents se rendent en France pour contacter les éditeurs français et acheter des ouvrages qui, transportés par bateau, arriveront six mois plus tard.

C’est ainsi que naît la Livraria Francesa le 25 juillet 1947 en plein cœur de São Paulo. Le lieu devient vite un espace culturel important, où les intellectuels se réunissent régulièrement. Un succès qui encourage le fondateur à ouvrir une filiale à Rio de Janeiro en 1949. Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir viendront y dédicacer leurs livres dans les années 60…

 

A. T. : Comme pour d'autres librairies françaises de par le monde, l’histoire de La Livraria francesa de São Paulo est celle de la transmission familiale d’une passion, qui a perduré dans les moments de succès comme de grandes difficultés…

 

S. M. : Le début des années 70 s’avère plus difficile pour la librairie, dans le contexte d’une réforme de l’enseignement qui privilégie l’anglais par rapport au français dans les écoles. Au décès de son père fin 1973, sa fille Claudie Monteil reprend le flambeau, sans pouvoir éviter la fermeture de la fiiale de Rio.

Malgré la baisse considérable des ventes à partir des années 80, la langue française reste présente au sein de l’université de São Paulo – fondée par des intellectuels français –, surtout dans les domaines des sciences humaines, de la philosophie, de l’histoire et de la littérature. En 1986, Claudie, aidée par son fils André, ouvre une deuxième librairie à São Paulo dans un beau quartier, destinée à un public différent. À sa disparition en 2005, ce fut mon tour de défendre la pensée et la culture françaises au Brésil, et de me battre contre la spéculation immobilière et la concurrence.

En 2013, la librairie a été sauvée grâce à l’appui d’organismes français comme le BIEF, l’ambassade de France au Brésil et aussi l’Alliance française. Avec une structure différente, elle a connu un nouveau souffle et nous avons pu ouvrir des points de vente dans des unités de l’Alliance française à São Paulo (Unités Trianon et Brooklin) et à Santo André.

Cette année 2015, nous serons de retour a Rio, avec l’ouverture d’une petite librairie dans l’Alliance française d’Ipanema et un point de vente dans l’unité de Botafogo est prévu pour le mois d’août !

 

A. T. : Quel est le type de votre clientèle ?


S. M. : De nos jours, une grande partie des ventes de la Livraria francesa provient du FLE (Français langue étrangère), preuve que l’intérêt des Brésiliens pour apprendre la langue française est toujours très fort. En revanche, la vente de livres pour la jeunesse ne cesse de baisser, et il en est de même pour la BD, les Brésiliens jugeant ces livres très chers. Les lecteurs de livres français sont très exigeants, difficiles à satisfaire. Ils sont toujours à la recherche de nouveautés en FLE, en sciences humaines, et surtout voudraient acquérir les ouvrages à un moindre prix.

Une personne consacre tout son temps dans l’année au suivi et à l’assortiment des nouveautés, mais le cœur de la librairie est sans doute la gestion des fonds. La Livraria francesa propose actuellement plus de 100 000 titres en français dans sa base de données. Dans le domaine du FLE, pour lequel nous devons faire des importations ciblées pour les écoles et Alliances françaises de tout le Brésil, nous avons affaire à des concurrents qui, parfois, cassent le prix du livre français. Ce contexte est favorisé par l’absence de loi sur le prix du livre au Brésil, qui pourrait mettre en échec la poursuite d’une affaire spécialisée dans le livre français et, d’une manière plus générale, restreindre la variété de titres disponibles pour le public brésilien.

 

A. T. : Quels sont les atouts de votre librairie ?

 

S. M. : La Livraria francesa demeure pratiquement la seule à importer des livres de tous les domaines, comme la gastronomie, l’art, la philosophie, la sociologie, etc. Les importations quotidiennes effectuées par avion nous permettent de servir les clients très rapidement. Nous disposons d’un site internet qui propose la vente en ligne, ce qui permet aux Brésiliens de tout le pays d’accéder à la pensée et à la culture françaises. Nous travaillons beaucoup en partenariat avec les Alliances françaises et plusieurs séances de dédicaces ont été déjà réalisées à São Paulo. Au mois de mars, nous allons participer, avec la Maison de France, à une Journée de la Francophonie à Rio, en présence d’Alain  Mabanckou.

La participation à des salons du livre, avec l’appui des organismes français, est très importante pour nous faire connaître dans tout le pays.


Propos recueillis par Alice Toulemonde

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