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Les éditions Métailié : une part de l’effervescence argentine

mars 2014

Au départ du tropisme d’Anne-Marie Métailié pour l’Amérique latine, des études de littérature espagnole et hispano-américaine, qu’elle enseignera d’ailleurs à son tour un temps. Mais, pour elle, c’est aussi l’époque des grandes mobilisations contre les dictatures, de l’engagement militant, qui trouvera une voie d’expression dans l’édition d’auteurs du sous-continent américain.

L’engagement d’éditer

Au départ du tropisme d’Anne-Marie Métailié pour l’Amérique latine, des études de littérature espagnole et hispano-américaine, qu’elle enseignera d’ailleurs à son tour un temps. Mais, pour elle, c’est aussi l’époque des grandes mobilisations contre les dictatures, de l’engagement militant, qui trouvera une voie d’expression dans l’édition d’auteurs du sous-continent américain.

 

Les éditions Métailié, fondées en 1979, sont d’abord un relais pour les auteurs brésiliens, "ceux qui me semblaient le plus en déshérence en France", précise-t-elle, puis s’élargissent à des auteurs d’autres pays, "quelquefois même inconnus dans leur pays au moment où nous les publiions". Mais c’est au bout de dix ans que la maison connaît un succès (inattendu), avec Le vieux qui lisait des romans d’amour de l’auteur chilien Luis Sepúlveda, dont il se vend 90 000 exemplaires dans la première année et qui fut lauréat de nombreux prix.

 

Anne-Marie Métailié envisage cette littérature comme une "totalité" : "Les écrivains qui la produisent sont toujours avant tout des "citoyens de l’Amérique latine". À l’époque de "l’après-boom", qui semblait sonner la fin de la circulation mondiale de la littérature latino-américaine, elle va donc créer une "collection hispano-américaine", intimement convaincue qu’une nouvelle génération d’auteurs allait naître de toutes ces années de plomb, de résistance et de répression.

 

Et pour elle, ce sont bien ceux-là qui constituent aujourd’hui cette littérature variée et foisonnante, souvent mise en débat, questionnée par les écrivains eux-mêmes. "Ce qui me semble important, explique Anne-Marie Métailié, n’est pas tant leur appartenance à tel ou tel pays que la langue que ces écrivains partagent et la façon dont elle circule avec leurs œuvres et enrichit leurs styles respectifs." Chez les auteurs argentins, à des formes littéraires très variées, s’ajoute un foisonnement des thèmes, traités souvent, aussi graves soient-ils, avec la distance de l’ironie. "Je pense notamment au livre que j’ai publié, L’année où le lion s’est échappé de Carlos Sampayo, qui parle du fascisme à Buenos Aires dans les années 1950."

 

Ce mélange des genres, les écrivains argentins le connaissent aussi dans leur vie - ils peuvent être journalistes, scénaristes, directeurs de collection ou de revue, écrivains pour la jeunesse… "C’est vrai dans beaucoup de pays, mais dans un pays comme l’Argentine, qui subit des crises économiques successives, il est impossible de vivre de sa plume. Alors ils ont plusieurs activités, tout en restant dans le domaine culturel."

 

Un chemin semé de rencontres

Les auteurs argentins, qui représentent environ 15% du catalogue "Amérique latine" des éditions Métailié (ouvert désormais à plusieurs autres langues que l’espagnol), sont largement représentatifs de ce "bouillonnement créatif". Quatre d’entre eux, nés entre 1947 et 1973, font partie des auteurs invités au Salon du livre de Paris : Selva Almada ("dans la lignée de Faulkner"), Pablo de Santis ("du côté du fantastique ésotérique"), Elsa Osorio ("le roman de la mémoire"), Mempo Giardinelli ("le roman noir, figure de la violence").

 

Ce qui les réunit pour Anne-Marie Métailié ? Le chemin qui mène à la lecture d’un texte puis à la publication éventuelle d’un livre est semé de rencontres : avec d’autres auteurs, comme ce fut le cas avec l’auteur mexicain, militant, journaliste et professeur d’université Paco Ignacio Taibo II, sorte de compagnon de route d’édition ; ou, plus récemment, avec l’écrivain argentin Damián Tabarovsky, par ailleurs éditeur dans la jeune maison Mardulce, de Selva Almada. C’est aussi une éditrice qui lui a fait découvrir le thriller littéraire, Luz ou le temps sauvage d’Elsa Osorio (qui a connu un beau succès de vente), une éditrice de la maison allemande Suhrkamp, avec laquelle Anne-Marie Métailié partage de nombreuses affinités éditoriales. "Après, ce qui l’emporte sur tout, c’est la rencontre personnelle de lecture avec le texte quand on décide de ne publier que ce que l’on aime."

 

"De plus en plus de petits éditeurs qui publient de jeunes auteurs"

Le plus souvent en Argentine, ce sont les auteurs, via leurs agents ou pas, qui détiennent les droits de traduction de leur livre, proches en cela, comme en Espagne, de la tradition anglo-saxonne. Lorsqu’on traite en direct, cela peut avoir pour effet de créer des liens très forts ; ainsi, Elsa Osorio lui demande son avis sur le texte en version originale…

"Si les grands groupes de presse espagnols disposent de succursales en Argentine (tels Planeta et Alfaguara), ils n’y commercialisent pas pour autant tous les titres traduits. Mais les auteurs avaient tendance à le penser, et c’était mission impossible jusque-là de négocier un contrat sans passer par les agents espagnols." Pour Anne-Marie Métailié, la situation a évolué au cours des dix dernières années, simultanément au développement de maisons d’édition argentines indépendantes : "Il y a de plus en plus de petits éditeurs qui publient de jeunes auteurs." Et ces maisons sont beaucoup plus coopératives quand on cherche à acheter les droits de traduction.

 

Anne-Marie Métailié aime à dire que le hasard est fondamental dans le choix de publier un livre, mais que l’est tout autant l’énergie qu’on doit lui consacrer ensuite pour le promouvoir et lui permettre d’exister. Tâche qui devrait lui être facilitée par l’invitation de l’Argentine et d’une délégation de 48 écrivains au Salon du livre de Paris, mettant sur le devant de la scène cette production forte et singulière, dont les catalogues français, comme le sien, vont continuer à se faire l’écho.


Catherine Fel

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