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Le train passe, mais la gare est vide : l'édition argentine face au numérique

mars 2014

Par Alejandro Katz (Katz editores)
En Argentine, le problème principal de l’édition numérique est qu’il ne paraît même pas en être un : le sujet n’avance pas et presque personne ne semble réellement s’en soucier.

Le temps de la surprise et du désarroi est passé : l’édition numérique n’a maintenant presque plus de secrets. Durant les dernières années, les conditions technologiques pour la production, la circulation et l’utilisation de livres numériques se sont stabilisées et ont structuré un modèle économique qui, même s’il n’est pas encore tout à fait défini, permet aux acteurs de la chaîne de production du livre de réaliser des accords et d’obtenir des résultats. Au temps de l’apprentissage s’est substitué celui de l’action ; à la crainte a succédé un comportement responsable et énergique des éditeurs afin d’organiser le nouvel environnement technologique. La question sur la rivalité entre le livre papier et le livre numérique a été laissée de côté et les éditeurs se sont centrés à nouveau sur leur métier.

 

Mais les choses ne semblent pas suivre ce cours en Argentine. Là-bas, le problème principal de l’édition numérique est qu’il ne paraît même pas en être un : le sujet n’avance pas et presque personne ne semble réellement s’en soucier.

 

L’environnement politique et économique explique, pour une part, cette situation.

L’économie argentine souffre, depuis 2008, d’une hausse du taux d’inflation qui a atteint jusqu’à 29% par an en 2013, selon les chiffres provenant d’estimations faites par des experts non officiels. Vers la fin 2011, le gouvernement a commencé à réguler les importations, laissant à la décision des fonctionnaires les autorisations pour faire entrer des biens divers en Argentine. La détérioration économique a rendu plus difficile la possibilité d’une offre variée et compétitive des supports électroniques de lecture. Même si on peut trouver un petit marché de tablettes, le marché des e-readers en Argentine est pratiquement inexistant.

 

Mais, naturellement, le gouvernement n’est pas le seul responsable. Les éditeurs eux-mêmes se sont montrés peu curieux et n’ont entrepris presque aucune initiative pour faire face aux enjeux de l’édition numérique. Les groupes internationaux qui opèrent dans le pays laissent toutes les décisions stratégiques concernant le numérique à leur maison mère. Parmi les entreprises à capital argentin - le plus souvent de moindre dimension que les transnationales -, il y en a qui manquent des capacités financières et des compétences nécessaires pour conduire l’adoption des nouvelles technologies.

 

Dans ce contexte, les efforts des collègues français et des organismes comme le BIEF, qui travaillent pour le partage des connaissances, pour le développement d’une prise de conscience et, surtout, qui proposent des voies alternatives à celles qui sont présentées par le mainstream technologique d’origine  anglo-saxonne  - concentré  en  trois  ou  quatre  entreprises globales -, deviennent fondamentaux. En effet, c’était le cas, en mai 2013, avec le séminaire organisé par le BIEF et l’ambassade de France, lors de la Foire du livre de Buenos Aires, et nous espérons que l’expérience se répète pendant le Salon du livre de Paris de 2014, où l’Argentine est le pays invité.

 

Il semblerait que l’édition argentine ne craint plus le changement technologique, tout simplement car ce défi a disparu de l’horizon de la profession. Les échanges avec les protagonistes du "modèle français", qui ont construit une réponse, à la fois originale et effective, pour avancer vers la numérisation, seront une aide considérable pour que le livre numérique fasse partie du futur de l’édition argentine. Un futur que nous devons affronter sans crainte mais sans trop tarder, et pour lequel la "voie vers le numérique française" peut être le chemin à suivre. 


Alejandro Katz, traduction Paz Langlais

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