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Les échanges de droits entre la France et Israël : quels obstacles ?

avril 2008

A partir de statistiques et d'une enquête auprès des éditeurs, une analyse des échanges de droits entre éditeurs israéliens et éditeurs français. Suivie de la liste des aides à la traduction du CNL.
Données chiffrées 2004-2007
Les statistiques extérieures établies par la Centrale de l’Édition et le SNE indiquent, pour les échanges de droits avec Israël (en prenant en compte exclusivement l’hébreu comme langue de publication) en 2004, 2005 et 2006 au total 157 titres cédés par une trentaine d’éditeurs français et 20 titres achetés par 8 éditeurs français.
 
En 2004 : 44 cessions, 11 achats,
En 2005 : 60 cessions, 4 achats,
En 2006 : 53 cessions, 5 achats.
 
Dans la répartition par domaine de ces échanges, la littérature est la plus représentée (81 titres), suivie des sciences humaines et sociales (46 titres), puis des domaines jeunesse/BD (32 titres), actualités, documents, biographies (13 titres), érudition, religion (5 titres).
 
En gardant à l’esprit la part des éditeurs concernés par ces échanges qui n’ont pas répondu, ceux-ci semblent caractérisés par une stagnation, tendance qui ne devrait pas se retrouver dans les données 2007, avec l’effet de l’invitation d’honneur au Salon du livre de Paris. Mais la question reste posée : par rapport à ces deux pays dont l’édition est dynamique, avec de grands lecteurs en Israël, une édition ouverte aux littératures étrangères en France, quels sont les obstacles à un plus grand développement des échanges ?
 
Des commentaires sont apportés par les réponses au questionnaire que nous avons adressé aux éditeurs acteurs de ces échanges, recensés dans les statistiques du SNE.
  
Une méconnaissance réciproque
Sauf peut-être pour quelques maisons, les éditeurs français et israéliens se rencontrent peu, plutôt sur les foires, ils se sentent assez éloignés géographiquement.
Le marché français n’apparaît pas aux éditeurs israéliens aussi singulier que le marché allemand ou italien : la France n’est pas un partenaire privilégié en Europe, et « ils sont plus tournés vers le modèle anglo-saxon », comme le souligne Martine Heyssat, responsable des droits au Seuil.
Les professionnels français expriment que la production française n’est pas assez considérée par les éditeurs israéliens. Ainsi, de leur présence au Salon du livre de Paris 2008, « on souhaite une meilleure connaissance de leurs attentes » déclare Jacqueline Favero (Albin Michel), la « possibilité de les sensibiliser davantage au marché français » pour Heidi Warneke (Grasset).
 
Serge Eyrolles, président du SNE, déclarait, de son côté, lors de l’annonce de l’invitation d’Israël : « C’est une grande opportunité pour ouvrir une fenêtre sur un pays qui n’est pas très bien connu des Français ». Alors, comme le souhaite Vibeke Madsen (POL), il faut « encourager le dialogue autour de l’édition en France et en Israël et tenter d’installer une relation de confiance ».
 
Les cessions : « un marché difficile mais dynamique »
C’est ainsi que le qualifie Jacqueline Favero, responsable des droits chez Albin Michel, l’une des dix premières maisons pour les cessions vers l’hébreu en termes de contrats, aux côtés de Gallimard, Le Seuil, Nathan, Minuit, Grasset, Fayard, Laffont-Nil-Julliard-Seghers, PUF et Denoël.
 
Les partenaires israéliens cités par les éditeurs français sont Resling, Babel, Schocken, Keter, Matar, Modan, Miskal, Bookworm, Asia, Books-in-the attic, Yad Vashem, Yediot Aharonoth, The Rubin Mass, Pandora, Xargol, Carmel, Sifriat Poalim, Maariv, Am Oved, Kinneret.
 
Si la fiction représente la plus grande partie des titres cédés, elle ne suscite pas toujours l’engouement des éditeurs israéliens. « Les cessions de fiction sont difficiles », regrette Virginie Rouxel (Hachette littératures), « nos interlocuteurs nous disent que les romans français ne rencontrent pas beaucoup de succès », précise Heidi Warneke. Les éditeurs israéliens s’intéressent principalement à la « littérature haut de gamme à grand succès » (A. Nothomb, E.-E. Schmitt) selon l’expression de Jacqueline Favero ou aux « classiques du fonds » : Vercors, Némirovsky. Mais on constate un dynamisme de la demande par rapport à des auteurs plus récents.
En ce qui concerne les cessions en sciences humaines et sociales, qui représentent plus de la moitié de ces cessions, ce sont les penseurs de la deuxième moitié du XXe siècle qui sont surtout traduits : Deleuze, Derrida, Bourdieu, Foucault… Un thème récurrent est la difficulté de trouver de bons traducteurs, ce que souligne Laurence Zarra (PUF) qui voit en Israël pour ce secteur « un marché restreint où les lecteurs ont souvent la possibilité de lire dans d’autres langues ».
 
Les aides à la traduction et à la publication (CNL et MAE) qui peuvent être obtenues pour des ouvrages de fiction et de non-fiction contribuent à ces échanges, voire influent sur le marché : « Certaines des traductions vers l’hébreu ont bénéficié d’une aide à la publication sans laquelle l’éditeur israélien n’aurait pas acheté les droits », déclare Benita Edzard (Laffont-Nil-Julliard-Seghers)
À noter la part non négligeable dans les cessions des documents, actualités et biographies, secteur d’intérêt cité plusieurs fois par des éditeurs israéliens.
On le constate dans l’ensemble des réponses : il n’y a pas de façon unique d’aborder ce marché des cessions de traduction vers l’hébreu. Les éditeurs français travaillent soit en direct avec les éditeurs israéliens ou par l’intermédiaire de sub-agents.
 
Les acquisitions correspondent à une volonté éditoriale forte
Toujours selon les mêmes statistiques Centrale/SNE, les éditeurs à avoir acquis les droits de traduction de livres publiés en hébreu sont Actes Sud, Gallimard, Fayard, le Seuil, Calmann-Lévy, Albin Michel, Hachette littératures, Kaleïdoscope. D’autres éditeurs, dont l’activité de découverte et de traduction d’auteurs israéliens est importante n’apparaissent pas dans ces données pour les raisons évoquées plus haut (on pense à L’Olivier, Liana Levi, Caractères, Joëlle Losfeld, Mercure de France, etc.)
 
D’après une autre source – les données statistiques établies par l’Institut pour la traduction de la langue hébraïque – le nombre de titres traduits de l’hébreu vers le français, sur les 20 dernières années est passé de 111 à 148, soit une augmentation d’un tiers. En 2005, le français arrivait en quatrième position après l’anglais, l’allemand et l’italien pour la traduction d’ouvrages en hébreu.
 
Pour Laurence Caillieret, responsable des acquisitions pour Actes Sud, « il y a une volonté de plusieurs éditeurs français de développer la publication et la diffusion d’une littérature israélienne de qualité ; pour notre part une volonté d’ouverture à diverses voix, divers genres littéraires, il n’y a pas de limite. Notre catalogue va de Yaakov Shabtaï à Etgar Keret en passant par Avoth Yeshurun, dans le respect de la diversité et de la singularité ». Mireille Barthélémy (Fayard) souligne, elle aussi, que les éditeurs français sont intéressés par « la recherche d’ouvrages de grande qualité littéraire ».
Et elle espère que le Salon du livre de Paris sera l’occasion d’attirer l’attention sur une littérature riche et originale et sur des documents audacieux. De son côté Ronit Weiss, directrice éditoriale de Keter Books, voudrait « apporter le nouvel esprit français au cœur du marché israélien et se rapprocher de la culture française ».
 
Des souhaits réciproques qui ne peuvent que participer au développement des échanges franco-israéliens...
 
 
Les aides à la traduction du Centre national du livre 
Sur les cinq dernières années (2003-2007), le CNL a accordé des aides à l’extraduction du français vers l’hébreu pour 109 ouvrages en littérature et en sciences humaines.
 
Titres aidés pour l’année 2007 :
 
  • Amélie Nothomb, Journal d’Hirondelle, Acide sulfurique ASIA PUBLISHERS
  • Vercors, La marche à l’étoile, ASIA PUBLISHERS
  • Jacques Derrida, Donner la mort, RESLING PUBLISHING
  • Betty Rojtman, Le pardon à la lune, CARMEL
  • Jean Daniel, Cet étranger qui me ressemble, CARMEL
  • Henri Matisse, Écrits et propos sur l’Art, HAKIBBUTZ HAMEUHAD SIFRIAT POALIM PUBLISHING GROUP
  • Jean Soublin, Le second regard, CARMEL
  • André Green, Idées directrices pour une psychanalyse contemporaine, BOOK WORM
  • André Glucksmann, Le discours de la haine, CARMEL
  • Jean d’Ormesson, La création du monde, PANDORA BOOX
  • Yasmina Khadra, Les hirondelles de Kaboul, PANDORA BOOX
  • Fred Vargas, Pars vite et reviens tard, BABEL 
  • Shmuel Trigano, Philosophie de la loi, SHALEM PRESS
  • Michel Foucault, Les mots et les choses, RESLING PUBLISHING
  • Salomon Malka, Emmanuel Levinas, la vie et la trace, RESLING PUBLISHING
  • Maryse Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, NAHAR 
  • Jean-François Lyotard, Le différent, RESLING PUBLISHING
  • Jean Daniel, La prison juive, RUBIN MASS
  • Henri Amouroux, La grande histoire des Français sous l’Occupation - Tomes 1,2,3,4,5, NYMROD
  • Jean Teulé, Rainbow pour Rimbaud - Ô Verlaine - Le magasin des suicides - Je, François Villon, PANDORA BOOX
  • Pierre Goldman, Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France, RUBIN MASS 

Rappelons qu’en 1994 les « Belles Étrangères » ont été consacrées aux auteurs israéliens.
En ce qui concerne l’intraduction de l’hébreu vers le français : ce sont 38 titres qui ont été traduits et publiés avec l’aide du CNL sur les 10 dernières années (de 1996 à 2006), principalement en littérature.

 
En 2007 et pour 2008 :
 
  • Zvi Yanai, Shelka, Christian Bourgois 
  • Eshkol Nevo, Quatre maisons et un exil, Gallimard 
  • Judith Katzir, Chère Anne, Gallimard/J. Losfeld
  • Lizie Doron, Pourquoi n’es-tu pas venu avant la guerre ?, Héloïse d’Ormesson
  • Ouvrage collectif, Anthologie d’écrivaines israéliennes, Métropolis
  • Orly Castel-Bloom, Textile, Actes Sud
  • Esther Orner, Anthologie des femmes poètes et artistes d’Israël, Caractères
  • Moshé Ben Saul, Petit pays au sud de la ville, Caractères
  • Haya Ester, Le bain rituel, Caractères
  • Haim Bialik, Le livre du feu… et autres nouvelles, Caractères
  • Savyon Liebrecht, Un toit pour la nuit, coédition Buchet-Chastel/Caractères
  • Michal Govrin, Sur le vif, Sabine Wespieser
  • Yoel Hoffmann, Bernhart, Galaade
  • Mira Maguen, Des papillons sous la pluie, Mercure de France

Catherine Fel

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