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Le marché du livre en Israël

avril 2008

Malgré un contexte politique tendu, la vie culturelle israélienne est intense. La presse écrite est remarquablement dynamique et, dans le secteur du livre, les éditeurs sont nombreux et entreprenants.
Malgré un contexte politique tendu, la vie culturelle israélienne est intense. La presse écrite est remarquablement dynamique et, dans le secteur du livre, les éditeurs sont nombreux et entreprenants. Quant à la littérature contemporaine israélienne, elle est à la fois vivace et largement traduite.
 
Le marché du livre est florissant et dynamique. 35 millions d’exemplaires sont vendus chaque année en Israël. Le chiffre d’affaires de l’édition israélienne s’élevait à deux milliards de shekels en 2006 (soit environ 360 millions d’euros).
Malgré, ou peut-être grâce à l’instabilité chronique du pays – qui favorise le développement des loisirs d’intérieur – le public israélien se révèle être acheteur régulier de livres.
 
Cependant, avec 6 866 titres publiés en 2006 – dont 5 900 en hébreu, 528 en anglais, 196 en russe et 133 en arabe –, le secteur souffre de surproduction pour un petit pays qui ne compte que 6,8 millions d’habitants.
Les tirages moyens s’en ressentent, qui ne dépassent guère les 2 000 exemplaires pour une nouveauté en fiction, dont la durée de vie sur l’étagère d’une librairie est de courte durée. Un seuil de 5 000 ventes en fiction est suffisant pour apparaître dans les listes des meilleures ventes, quand ce chiffre était d’au moins 20 000 il y a quelques années.
 
Spécificité de l’édition israélienne, 24% des livres produits sont des textes religieux (livres de prières, etc.), qui ne sont pas forcément commercialisés ou distribués par les canaux de vente habituels.
 
La moitié des livres produits en Israël est éditée par des structures qui ne sont pas des maisons d’édition et 18% le sont par des associations, des instituts, des musées. 17% des livres sont publiés à compte d’auteur, 9% par des institutions gouvernementales et 5% par des institutions éducatives.
 
Le secteur éditorial traditionnel se caractérise par sa concentration : trois groupes éditoriaux se partagent plus de la moitié de la production. Deux d’entre eux se sont récemment associés aux deux plus grandes chaînes de librairies du pays, qui elles-mêmes détiennent près de 60% de parts de marché. Ce phénomène de concentration se retrouve également dans les partenariats entre grands éditeurs généralistes et petites maisons d’édition, qui permettent à ces dernières de réduire leurs coûts de fabrication, de distribution et de promotion.
 
Trois groupes éditoriaux se partagent plus de la moitié de la production
On recense 1 452 maisons d’édition en Israël (dont un tiers d’éditeurs religieux). Pour 996 d’entre elles, l’édition est l’activité principale ; et, pour les autres, c’est une activité secondaire.
Une « photographie » des principaux acteurs du secteur fait apparaître, de manière très schématique, quatre grands ensembles : les grandes maisons d’édition généralistes, les maisons d’édition investies dans la construction du projet sioniste, les presses universitaires, les petites et moyennes maisons d’édition.
 
Les trois grand pôles éditoriaux généralistes israéliens sont : le groupe Kinneret Zmora-Bitan Dvir, associé à la chaîne de librairies Tzomet Sefarim ; la maison d’édition Keter Sefarim, associée à la chaîne de librairies Steimatzky ; et la maison d’édition Yédiot Sefarim, qui appartient au grand quotidien, Yédiot Aharonot.
Les éditions Am Oved (« Peuple travailleur ») et Hakibutz Hameurad-Sifriat Poalim (« Kibboutz unifié-Bibliothèque des ouvriers ») ont été créées il y a plus de soixante ans et sont marquées par l’histoire du pays. Si leur mission première était de diffuser le plus largement possible les auteurs travaillistes, elles se félicitent aujourd’hui d’enrichir culturellement l’ensemble du lectorat israélien.
Issues d’une coopération financière et intellectuelle avec les établissements d’enseignement supérieur, les presses universitaires sont traditionnellement tournées vers la publication de travaux de recherche. Les difficultés financières des universités expliquent, pour partie, que la plupart de ces maisons d’édition se soient détachées de leur tutelle. Néanmoins, la concertation intellectuelle se maintient afin de garantir un label de qualité aux titres publiés.
 
De plus en plus, ces maisons d’édition cherchent à diversifier leur lectorat en élargissant leurs collections ou en vulgarisant les contenus des travaux de recherche afin de les rendre accessibles au grand public. Les Presses universitaires de Tel-Aviv, de Haïfa, de Bar-Ilan, de l’Institut Bialik, les éditions Magnès, celles de l’Université ouverte et de l’Université radiophonique publient des ouvrages de qualité, notamment dans le domaine des sciences sociales.
 
Israël compte également quelques maisons d’édition de taille moyenne (comme Schocken, pour la plus ancienne) et toute une kyrielle de petites maisons, dont certaines créées récemment. Celles-ci sont en général spécialisées dans un domaine en particulier et tentent de recevoir des aides de fondations ou d’établissement publics afin de continuer à préserver la rigueur et l’indépendance de leur ligne éditoriale. Parmi elles, on peut citer les maisons Xargol, Ahouzat Bayit, Carmel, Resling, Keshev, Daniella De-Nur, et bien d’autres encore.
 
Tous ces éditeurs sont réunis au sein d’une association qui a pour mission de :
  • défendre les intérêts de la profession : le bras économique de l’association se charge de l’achat et de la vente en gros de papier pour les éditeurs ;
  • promouvoir les ventes : avec par exemple l’organisation de la « Semaine du livre hébraïque », manifestation très populaire auprès du public israélien qui attire plusieurs dizaines de milliers de visiteurs ;
  • informer les éditeurs : notamment sur les aspects juridiques de leur activité à l’international (achat et cession de droits) ;
  • encourager la lecture auprès du public en général et des enfants en particulier ;
  • soutenir la profession : attribution de prix littéraires récompensant des auteurs écrivant en hébreu ou des nouveaux immigrants, attribution d’un « Livre de platine » à tout éditeur ayant vendu 40 000 exemplaires d’un ouvrage, etc. ;
  • représenter la profession auprès des autorités de l’État.

Sous le coup de la concurrence
Il est vrai que de nombreux éditeurs se plaignent de l’absence de législation régissant le marché de l’édition. Si des divergences de point de vue existent, notamment sur la nécessité de mettre en place une loi sur le prix fixe du livre, tous, en revanche, semblent s’accorder sur la nécessité de baisser le taux de TVA sur le livre (taux de 15,5%, équivalant au taux général).
En effet, le livre est un produit cher en Israël : son prix moyen en littérature est d’environ 80 shekels (14,4 euros), et de 50 shekels (9 euros) pour un livre de jeunesse. Pourtant, et c’est là tout le paradoxe de la situation israélienne actuelle, l’immense majorité des livres (y compris, et même surtout, les nouveautés) est vendue en promotion. Tous les éditeurs s’accordent à dénoncer cet état de fait : aujourd’hui, dans une librairie israélienne, un livre n’est pas vendu s’il n’est pas en promotion.
Ce phénomène de remise systématique sur les prix, engendré par la concurrence acharnée que se livrent les deux principaux réseaux de distribution du pays – Steimatzky et Tzomet Sefarim –, affaiblit à la fois les librairies indépendantes et les petits éditeurs.
 
On compte, en effet, à peine une centaine de librairies indépendantes en Israël, quand celles des deux grandes chaînes en représentent le double. Ces librairies indépendantes – qui, pour des raisons de rentabilité, ne peuvent proposer des offres promotionnelles qu’épisodiquement – doivent miser sur la qualité de leur assortiment et sur leur capacité à conseiller le lecteur pour assurer leur pérennité.
Les éditeurs, quant à eux, et notamment ceux de petite taille, constatent qu’ils ont de plus en plus de difficulté à obtenir une place sur le marché pour leurs titres les plus exigeants. Ils déplorent un assèchement de l’offre en librairie.
 
D’autre part, il existe également une situation de concurrence faussée selon de nombreux éditeurs dans la mesure où les deux grandes chaînes de librairies détiennent des parts dans l’actionnariat des principales maisons d’édition du pays. Les deux distributeurs auraient ainsi tendance à favoriser la mise en place des ouvrages des maisons d’édition qui leur sont associées. Ce qui implique, pour les autres maisons d’édition, de rétrocéder des remises de plus en plus importantes pour bénéficier d’une présentation avantageuse de leurs ouvrages.
 
Un marché des traductions dynamique 
Le marché des traductions en Israël est dynamique, mais le nombre de publications d’ouvrages traduits du français reste bien en deçà de celui des ouvrages traduits de l’anglais. Les services culturels français sont actifs dans la promotion de l’édition française, en particulier à travers le programme d’aide à la publication « Eliezer Ben Yehuda ». En 2005, à l’occasion de la célébration des dix ans du programme, on décomptait plus de 400 titres publiés. Deux tendances se dégagent : un recul de la traduction des classiques, laissant davantage de place aux auteurs du XXe siècle, et la part égale faite à la littérature et aux sciences sociales et humaines. En revanche, si la production d’œuvres françaises en hébreu semble évoluer positivement, les éditeurs sont de plus en plus inquiets par rapport à la pénurie de bons traducteurs, particulièrement dans le domaine des sciences humaines.
 
La littérature israélienne, quant à elle, s’exporte bien. Selon l’Institut pour la traduction de la littérature hébraïque, elle est déjà traduite dans plus de 60 langues. Cependant, elle reste majoritairement traduite en anglais (40%), puis en allemand, en espagnol, en français, en arabe, en russe et en italien (40%), les 20% restants représentent l’ensemble des autres langues.
 
Au-delà des traductions, le rayonnement de l’édition israélienne passe également par la Foire internationale du livre qui se tient tous les deux ans à Jérusalem. Cette manifestation se construit autour du Fellowship, un programme maintenant renommé, qui réunit une cinquantaine d’éditeurs (en majorité américains, mais également britanniques, français, italiens, etc.) et quelques agents afin de leur permettre de renforcer leurs liens professionnels. Cette consolidation des rapports, et l’enrichissement mutuel qui en découle, sera, à n’en pas douter, au centre de l’édition 2008 du Salon du livre de Paris.
 
Synthèse rédigée par Karen Politis, d’après l’étude sur
l’édition israélienne réalisée par Moshe Sakal pour le BIEF, avec l’appui du Service culturel de l’ambassade de France en Israël.
Source des chiffres : Bibliothèque nationale israélienne, Haaretz, Yediot Aharonot, entretien avec les éditeurs. 
 

Karen Politis

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