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Compte rendu

La Caravane du Livre en Afrique de l'Ouest : du rêve à la réalité

janvier 2005

Lorsque l’idée d’une caravane du livre en Afrique fut lancée fin 2003, personne ne savait encore comment ce rêve pourrait un jour se concrétiser. Pourtant après 9 mois de travail et de mobilisation, la caravane est devenue réalité

Lorsque l’idée d’une caravane du livre en Afrique fut lancée fin 2003, personne ne savait encore comment ce rêve pourrait un jour se concrétiser. Pourtant après 9 mois de travail et de mobilisation, la caravane est devenue réalité. En l’espace de quatre semaines en novembre, une dizaine de libraires de l’AILF (Association internationale des libraires francophones) ont investi et animé, au Bénin, au Togo, en Côte- d’Ivoire et au Burkina Faso, des lieux aussi divers que les espaces culturels, les places publiques, les écoles, les universités, les centres culturels. « Ce n’est plus le lecteur qui venait à la librairie mais la librairie qui venait au lecteur », selon les termes de Marie Reine Amouzou de la librairie Bon Pasteur. Elle est venue, avec tous les libraires des pays mobilisés et quelques autres de pays de la sous-région, échanger ses expériences lors du séminaire organisé par l’AILF à Ouagadougou sur le thème du « libraire comme agent culturel ». Au point que les stagiaires des autres pays sont repartis avec la ferme intention d’organiser une caravane chez eux.

En Côte d’Ivoire, la manifestation prévue n’a pu se poursuivre...
L
es tragiques événements survenus début novembre dans ce pays ont en effet empêché toute mobilisation autour du livre. Excepté à Bouaké où Catherine Delon, responsable de la Nouvelle Librairie de Côte-d’Ivoire a proposé, à la veille des premiers bombardements, un atelier de peinture mural. La Librairie de France qui avait, de son côté, organisé un programme diversifié avec plusieurs partenaires a dû tout annuler, les auteurs invités (Véronique Tadjo et Yves Pinguilly) n’ayant pu se déplacer.

Au Bénin, à la redécouverte des auteurs de littérature…
Du 3 au 13 novembre, des expositions-vente, des tables rondes, des animations ont été proposées dans plusieurs villes béninoises (Cotonou, Porto Novo, Grand–Popo, Parakou) avec comme objectif de « permettre au public béninois de mieux connaître ses œuvres en littérature ». Sous l’impulsion d’Agnès Adjaho de la Librairie Notre-Dame, une coordination de libraires s’est mise en place avec les librairies Sonaec et Bufalo. Le Centre culturel de Cotonou a accueilli plusieurs expositions : « Le Bénin littéraire : 1980- 1999 », « Littérature du Sud : nouvelle génération », « Planète jeunes, Planète enfants ». Les libraires exposaient et vendaient les œuvres des auteurs de la sélection, des auteurs béninois édités localement ainsi que les œuvres des auteurs invités officiellement comme Tanella Boni ou Rita Amendah. Des dédicaces se déroulaient quotidiennement dans chacune des librairies. « La présence et la rencontre avec les écrivains a suscité [auprès des enseignants et des élèves] l’envie de connaître leurs œuvres » a constaté Prudentienne Houngnibo de la Librairie Notre Dame.

Un bibliobus musical dans les rues de Lomé
Au Togo, les quartiers de Nyékonakpoé, Kodjouakopé, Bé, Tokoin, ou la Place du Marché de Lomé ont vibré au passage d’un étonnant bâcher transformé en bibliobus musical bien achalandé en ouvrages de littérature africaine. Outre la fanfare perchée sur le bâcher et conduite par un jeune groupe de rap à la mode (Dfanta Kan), quelques slogans diffusés par le haut parleur faisaient l’apologie de la littérature africaine, ou tout simplement du « livre plaisir » : « Si j’avais de l’argent… j’achèterais un roman ». Le camion s’arrêtait dans les établissements scolaires où les auteurs jeunesse et une conteuse partaient à la rencontre des jeunes élèves. Un grand jeu concours a mobilisé près de 932 jeunes qui ont reçu des cadeaux et des bons d’achat pour acheter des livres en libraire.

En route vers la francophonie
Au Burkina Faso, le séminaire de libraires qui s’est tenu simultanément à la Foire du Livre Internationale du Livre de Ouagadougou (FILO), au Forum des Ecrivains et Intellectuels et à la remise du Prix des 5 continents de la Francophonie, a grandement mobilisé les libraires locaux. Il a été l’occasion d’échanger sur la présence de la littérature en Afrique, le rôle des libraires, le problème de la distribution et du prix élevé du livre avec les personnalités présentes : des écrivains, Andreï Makine, Lyonnel Trouillot, Paula Jacques, Vénus Ghoury Ghata, Aminata Saw Fall, Henri Lopes, des éditeurs représentant l’Alliance des éditeurs indépendants (AEI) comme les éditions tunisiennes Céres, les éditions guinéennes Gandal ou encore les éditions de Jean Claude Naba au Burkina Faso. Les libraires ont pu rencontrer les responsables des éditions Présence Africaine, Karthala et L’Harmattan. Les libraires ont pris part à une table ronde organisée par l’AILF sur la littérature féminine au Burkina Faso en présence de femmes écrivains.

La Caravane du Livre a gagné du moins en partie, le pari de ramener les auteurs africains à leur public, parfois de manière surprenante. Franck Megnigbeto de la librairie Bufalo raconte ainsi que les habitants de Parakou ont découvert que leur maire, Eugène Kpadé, était également écrivain. Conclusion : 100 exemplaires vendus sur 3 titres de l’auteur, un succès aussi pour l’éditeur, béninois de surcroît. Parmi les effets inattendus, certains éditeurs se sont fait connaître dans la sous région (Cauris, Heinemann). Grâce à la démarche de bonification des prix qui accompagnait cette opération, les titres des collections de littérature africaine de grands éditeurs français devenaient plus accessibles (Gallimard, Actes Sud, etc.). Une nouvelle occasion d’aborder la délicate question du prix du livre en Afrique et de réfléchir aux conditions d’application d’un prix adapté au marché africain et au pouvoir d’achat local. La participation des éditeurs Présence Africaine, L’Harmattan, Karthala a ce séminaire a été, à cet égard, riche d’enseignements. Vécue comme une expérience humaine et associative insolite, la Caravane a permis aux libraires de monter un projet autour d’un objectif commun : « faire de l’acheteur occasionnel attiré par les prix et les animations, un futur lecteur… ». Et le public mobilisé a prouvé qu’il existait des lecteurs en Afrique, dès lors qu’animations et promotions commerciales se combinaient.

Un dossier bilan devrait être distribué à l’occasion du Salon du Livre de Paris avec des informations plus détaillées sur l’impact de la manifestation et les suites à envisager.


Anne Lise Schmitt

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