Qui, en France, connaît C. L. R. James ? Né en 1901 à Trinidad, alors
colonie de la Couronne britannique, et mort à Londres en 1989,
celui que le Times dénomma à la fin de sa vie le «Platon noir de
notre génération» est pourtant une figure intellectuelle et politique
majeure d'un siècle qu'il aura traversé presque de part en part.
Intellectuel diasporique par excellence, militant panafricain de la
première heure, James a pris part aux grands mouvements de
décolonisation de son temps en Afrique et dans la Caraïbe et fut un
acteur de premier plan des luttes noires aux États-Unis.
Fervent partisan de Trotski avant de rompre avec
l'héritage de ce dernier pour défendre la thèse de
l'auto-émancipation des masses ouvrières-populaires,
James eut un destin étroitement imbriqué dans celui
du marxisme au XXe siècle. Pour ce «marxiste noir»,
révolution socialiste et luttes anticoloniales-antiracistes
étaient intimement enchevêtrées : elles s'inscrivaient
dans l'horizon d'une «révolution mondiale» dont la source
et le centre ne pouvaient plus être la seule Europe. C'est
à celle-ci que James s'est voué corps et âme pendant
plus de cinq décennies, débattant et collaborant avec
ses contemporains aux quatre coins du monde.
Dans une conjoncture où la gauche radicale éprouve de grandes
difficultés à renouveler ses stratégies face aux revendications
des minorités non blanches et où la critique de l'eurocentrisme bat
de l'aile, méditer la vie et l'oeuvre de James pourrait se révéler
essentiel dans la tâche de construction d'une pensée de l'émancipation
qui soit, enfin, à la mesure du monde.