Les débris épars du progrès
Évolutionnisme vs anthropologie
Les sciences sociales ont trouvé leur inspiration initiale
et leurs premières bases théoriques dans l'évolutionnisme.
Et celui-ci, même s'il a généralement cessé de constituer un
paradigme explicite, continue d'orienter implicitement leurs
élaborations et, au-delà, les représentations communes de la
condition humaine. Il le fait à travers une certaine façon de
fonder les typologies sur le sens du temps et sur son pouvoir
hiérarchisant - autrement dit, sur une certaine conception
(« progressiste ») de la modernité.
S'inspirant de la pensée antiévolutionniste et universaliste de Herder, et s'appuyant sur des exemples empruntés
à l'Europe aussi bien qu'à l'Asie ou à l'Afrique, l'ouvrage,
à l'encontre de cette conception, conteste les théories qui
font de la séparation du politique et du religieux l'alpha et
l'oméga de la modernité et déconstruit les grandes oppositions chrono-typologiques (communauté/société, holisme/individualisme, ethnie/nation...) qui réduisent caricaturalement la variété des sociétés humaines. C'est de cette variété
universelle qu'une anthropologie du contemporain a à rendre
compte, et donc de la diversité des ordres - et des contre-ordres - concevables, retrouvant ainsi la vertu subversive de
Montaigne et de ses Cannibales.