«Il n'y a pas d'oranges fascistes. Il n'y a que des oranges» : cette phrase
du ministre français des Affaires étrangères, Georges Bidault, prononcée
devant l'Assemblée nationale française, en 1948, lors d'un débat sur
l'Espagne franquiste, résume à elle seule les relations établies par les
Etats fondateurs des Communautés européennes avec les dictatures
d'Europe du sud au cours des trois décennies qui suivent la seconde
guerre mondiale. Les discours commémoratifs contemporains évoquent
une intégration européenne axée dès l'origine sur la défense des droits de
l'Homme. L'«Europe des droits de l'Homme» et l'«Europe économique»
empruntèrent pourtant des voies séparées, l'une, sous la forme d'un
Conseil de l'Europe consacré pour l'essentiel à la protection des droits de
l'Homme mais dépourvu de force de dissuasion et l'autre, au travers de
Communautés européennes dotées de pouvoirs réels mais peu réceptives
aux préoccupations non économiques. Ce livre retrace le processus de
convergence de ces deux pans majeurs de la construction européenne
à travers l'évolution des relations entretenues par ces organisations
internationales avec les dictatures méditerranéennes. Si la démocratie et les
droits de l'Homme devinrent, avec le temps, des composantes essentielles
du processus d'intégration européenne, ils le durent en grande partie aux
réseaux de solidarité internationale et à l'activisme d'acteurs politiques
déterminés à prouver qu'il existait bien des «oranges fascistes».