C'est l'histoire d'une piqûre magique, qui devait
débarrasser l'Afrique d'une maladie qui décimait
le continent. C'est l'histoire d'un scandale pharmaceutique
oublié, enterré par les pouvoirs coloniaux de la
fin des années 1950.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les
médecins des colonies font de l'éradication de la maladie
du sommeil leur priorité. Un nouveau médicament vient
d'être découvert : la Lomidine. Dans l'enthousiasme, de
grandes campagnes de «lomidinisation préventive» sont
organisées dans toute l'Afrique. La méthode connaît
quelques ratés - la molécule se révèle inefficace et dangereuse
- mais ils ne freinent pas les médecins, au contraire.
Il faut «lomidiniser» l'intégralité des populations, de gré
ou de force.
Ce livre montre comment les médecins s'obstinèrent
à utiliser un médicament pourtant dangereux, au nom
du rêve d'une Afrique libérée de la maladie ; comment
la médecine a été un outil pour le colonialisme ; comment
elle a servi de vitrine à l'«humanisme» européen et de
technique de surveillance et de répression. La petite
histoire de la Lomidine ouvre une fenêtre sur le quotidien
des politiques coloniales de modernisation, révélant
leur envers : leurs logiques raciales, leur appareil coercitif,
leur inefficacité constitutive, et la part de déraison inscrite
au coeur du projet de «mise en ordre» de l'Afrique par la
science et la technique.
Guillaume Lachenal renouvelle le regard sur le gouvernement
des Empires, qu'il saisit dans son arrogance et sa
médiocrité, posant les jalons d'une anthropologie de la
bêtise coloniale.