«Si en matière de science naturelle ou
sociale, le chercheur a le devoir d'ajouter sa pierre au vaste
édifice du savoir, de découvrir, d'innover, de produire de l'information
nouvelle, en matière de religion, son devoir est de fidélité : il ne
doit pas inventer, mais renouveler ; il ne doit pas découvrir, mais
recouvrer ; il ne doit pas innover, mais reprendre à nouveaux frais la
sempiternelle ritournelle.»
Il existe de nombreuses études sur le sentiment religieux, sur la
pratique religieuse, et une vaste érudition sur l'histoire et la théologie
des religions développée en Occident. Il existe également toute une
littérature de piété ayant pour but de développer ou de réveiller
la foi des fidèles. Bruno Latour aborde dans ce livre la tradition
chrétienne par un biais à la fois beaucoup plus direct et beaucoup
plus contourné : il s'intéresse aux difficultés que rencontrent ceux
qui souhaitent non pas parler de religion, mais parler religieusement.
Tout est dans cet adverbe si difficile à saisir car il n'a rien à voir avec
la croyance. En étudiant avec soin les conditions d'énonciation de
cette parole, il dégage peu à peu les règles d'usage qui la rendent
possible ou impossible.
Il le fait de la seule façon qui soit adaptée à ce genre de parole,
c'est-à-dire de l'intérieur et en faisant subir au narrateur, par un
mode d'écriture original, les tourments de l'expression religieuse.
D'où ce livre mordant et brûlant qui fusionne deux genres
habituellement distincts : l'analyse et la jubilation.