Les camps se multiplient et se banalisent partout sur la planète.
Ils sont aujourd'hui des milliers, dessinant peu à peu un nouveau
paysage mondial. Gouvernements nationaux et agences
internationales adoptent de plus en plus systématiquement
cette solution pour «regrouper» les réfugiés humanitaires,
pour «parquer», faire «transiter», «retenir» ou mettre à l'écart
les «déplacés» et les migrants, les «clandestins» et autres
indésirables.
Douze millions de personnes vivent ainsi dans ces camps, des
millions d'autres dans des campements de fortune, au creux
des forêts, dans les interstices des villes, le long des frontières ;
d'autres encore sont piégées dans des centres de rétention,
des zones d'attente ou de transit. Si ces «hors-lieux» sont des
espaces de parias, nombre d'entre eux s'inscrivent dans la
durée et se transforment au fil du temps : la vie s'y renouvelle,
s'y attache, et l'emporte le plus souvent sur la mort ou le
dépérissement.
En vingt-cinq monographies qui forment une sorte de tour du
monde des camps (du plus ancien, à Chatila au Liban, au plus
grand, à Dadaab au Kenya, qui regroupe 450 000 habitants,
en passant par le plus informel, à Canaan en Haïti, ou le plus
précaire, à Calais), cet ouvrage fait découvrir la vie intime et
quotidienne de leurs habitants. Loin d'être l'«exception» que l'on
évoque généralement dans un cadre humanitaire ou sécuritaire
pour en justifier l'existence, les camps font durablement partie des
espaces et des sociétés qui composent le monde aujourd'hui.