Le grand tournant conservateur des années 1980 a fait émerger
deux systèmes idéologiques qui ont prospéré sur l'épuisement
de la modernité et qu'on peut qualifier de fondamentalismes.
D'un côté, les apôtres du marché globalisé veulent inclure dans
sa sphère toutes les activités humaines. De l'autre, de nouvelles
hégémonies religieuses et identitaires tentent de reconquérir
des sociétés que les évolutions mondiales plongent dans l'anomie.
Entre les deux versions, plus complémentaires que concurrentes,
de la réaction postmoderne, y a-t-il place pour un nouvel
universalisme capable de conjurer cette double impasse ?
Sophie Bessis propose dans ce livre quelques réponses à
cette question. Pour ce faire, elle explore l'histoire heurtée de la
modernité dans le monde arabe. Refusant de réduire celui-ci à
sa spécificité supposée, elle s'interroge sur le sens qu'on peut
donner à ses convulsions et sur la part d'universel que portent
ses aspirations. Elle questionne, en regard, l'essor des pensées
différentialistes en Occident, y voyant l'abandon par ce dernier
d'universaux dont il a longtemps fait sa propriété. Sous quelles
formes le Sud peut-il reprendre à son compte un projet de
modernité, au-delà de ses contradictions et des régressions
qu'il connaît ?