Un titre emblématique pour cette première monographie en français
de l'artiste portugais Alexandre Farto - alias Vhils - qui, en sculptant
des portraits d'anonymes sur des murs dégradés de nos villes
contemporaines, cherche non seulement à donner une seconde vie à ces
supports délaissés, mais aussi à mettre en lumière de simples citoyens
malmenés par une société qui évolue à toute vitesse en les laissant de
côté. Pour retourner ainsi ce processus d'effacement programmé, celui
des choses et des êtres, Vhils a exploré une nouvelle voie créative. Non
plus, comme le graffeur qu'il a été, se servir du mur comme simple
support, mais recourir à sa substance même. Non plus la bombe
aérosol mais le burin, le marteau-piqueur, voire l'explosif, pour révéler
successivement les différentes couches qui se cachent sous la surface et
faire émerger des figures humaines en creux et en volume.
Mais Vhils travaille également en intérieur, délaissant alors le mur
pour le métal, le bois, le polystyrène ou le liège, expérimentant à
chaque fois une nouvelle technique jusqu'à érafler au laser la «croûte»
de dizaines d'affiches publicitaires superposées pour créer d'étranges
palimpsestes modernes d'où surgissent là encore, des silhouettes
urbaines et des visages. Autant de formes et d'oeuvres qui disent toutes
les liens évidents et subtils qui régissent les rapports d'une ville avec
ses habitants, et la nécessité de préserver, dans «le bruit et la fureur»,
notre part d'humanité.