Les voleurs de langue forment les plus gros bataillons de la
francophonie littéraire : ces écrivains ont hérité du français parce
que leur pays a été, à un moment donné, colonisé ou dominé
par la France. Mais ce sont aussi ceux qui, nés dans une autre
langue, ont appris à manier le français dans l'épreuve de l'exil
ou par choix délibéré de l'aventure : tenter l'expérience d'écrire
dans une langue étrangère.
Rivarol ne reconnaîtrait plus le français d'aujourd'hui, lui
qui affirmait au XVIIIe siècle le principe de la supériorité de la
langue française, modèle de clarté et de logique. S'il n'est plus
la langue immédiate de communication universelle, le français
est maintenant riche de tout ce que lui ont légué ses multiples
utilisateurs, qu'ils soient suisses, belges, québécois, maghrébins,
africains, créoles etc.
Cet ouvrage offre une étonnante traversée de la francophonie
littéraire : un parcours qui démontre la vitalité du français dans
ses multiples enracinements. De Ramuz à Césaire, Senghor, Kateb
ou Beckett pour les grands aînés ; de Glissant à Chamoiseau ou
Alexakis pour les contemporains, de nombreux écrivains sont
évoqués ici en tant que porteurs d'un autre univers et d'un usage
propre du français.
Et si le passage d'une langue à l'autre permettait à beaucoup
d'écrivains francophones de dire ce qui reste indicible dans la
langue d'origine ? Les voleurs de langue se seraient alors emparés
d'un véritable trésor.