De Pierre Molinier, on ne connaissait que le discours officiel, celui qu'il tenait à ses
proches dans le dessein de fonder sa légende sulfureuse. Ici, dans le secret de ses carnets
intimes, il parle pour lui suel et se livre sans fard, sans masque, sans travestissement.
Notations sur son art, réflexions sur la censure, rêves de société secrète érotique,
projets de tableaux, brouillons de lettres - à Malraux, à Breton -, croquis et dessins
jamais vus à ce jour : c'est un Molinier encore inconnu qui se révèle, artiste tragique,
individualiste éperdu, trompe-la-mort grinçant et drôle. Propos emblématiques du
peintre maudit, du réprouvé :
Je chante dans ma peinture ce que la société imbécile
appelle mes vices et comprends moi-même comme mes
passions.
Je suis atteint d'une maladie très grave, à laquelle on a
donné le nom d'érotisme.
Étant hors des lieux communs, je suis le monstre.
J'aime ce qui est beau dans l'âme de l'individu. La bassesse
me dégoûte.
Je voudrais que mon tableau ressemble à un être humain
avec tout ce qu'il comporte de mystère.
Tes yeux sont le poignard d'acier qui tranche mon sexe et
la douceur bleue qui écrase mon coeur amoureux.