Swiftitudes.Leur histoire avait commencé heureuse, légère, éblouissante,
florissante, les deux êtres s'étaient métamorphosés en un seul, magnétique et fort,
profus de splendeur. Puis, subrepticement, elle s'était annulée d'elle-même, aussi
vite qu'elle avait pris forme, telle une bulle de savon.
Swiftitudes n'est pas la minutieuse radiographie d'un chagrin d'amour. C'est bien
plutôt une sorte de "manuel d'indépendance à l'usage des filles", où on apprend,
pour son plus grand bonheur, par quelles voies échapper à la fatalité de l'accablement.
Plutôt que de se laisser aller à la mélancolie d'usage, la narratrice, une jeune
femme d'aujourd'hui au bon sens normalement trempé, embarque littéralement
pour un voyage imaginaire tissé de rencontres et de coïncidences troublantes dont
Swift sera le guide. Swift dont elle a rêvé une nuit alors qu'elle venait de se séparer
de son amoureux... qui justement avait écrit sur l'auteur des Voyages de Gulliver.
Et le récit de se transformer en une formidable dérive où l'aventure imaginée
devient bien plus riche que la vraie histoire d'amour : les hasards, les rêves, les
illuminations prennent le pas sur le désir ou la nostalgie et de Molière à Nerval,
de l'artiste Raymond Hains à Matisse, d'Yves Klein à... Swift, on rapprend le pouvoir
exaltant du beau et de l'art.
Non sans mal parfois, quand les amis de la narratrice tentent de la ramener à la
raison ou quand elle-même se laisse rattraper par le spectre de la tristesse. Mais il
y a une irréductible loufoquerie dans ce conte qui, avec sa fausse ingénuité et son
sens ravageur du non-sens, est là pour donner toutes les raisons, à l'instar de Swift,
de poursuivre l'inaccessible étoile.
Swiftitudes, contrairement à solitude, rime ici avec plénitude.