Fresque philosophique est le mot juste,
s'agissant d'un artiste qui écrit comme il
peint ; s'agissant surtout d'un historien des
idées qui promène Heidegger par les rues et les
hôtels de Berlin comme s'il y était. Car nous
sommes aussi dans une saga européenne où
s'entrecroisent et évoluent trois générations de
familles différentes qui nous font voyager des
fronts de la guerre civile russe de 1917-1922 à
ceux de l'actuel Donbass sur lequel «le roi blanc»
Poutine à «la figure aussi inféconde et stérile
que l'argile et le sable de Russie», admirateur
invétéré du penseur russe fascisant Ivan Iline, fait
impérialement main basse. Ainsi va le lecteur de
dulag hitlérien en goulag stalinien, de Moscou à
Munich, des bas-fonds aux palais de l'Europe,
de la pègre aux salons oligarchiques, entraîné par
des ressorts narratifs où l'épopée le dispute au
policier dans un étourdissant roman cosmopolite
et humaniste qui tremble de voir flirter, avec des
accents stendhaliens, le rouge et le... brun.