«Le personnel de cabine ouvrit les portes pour que nous puissions
descendre par une échelle en métal poussée par une demi-douzaine de
pauvres bougres. Le froid s'abattit sur nous brutalement, comme si nous
venions de plonger dans un trou d'eau sur la banquise. Il fallait marcher
environ cent mètres jusqu'au hangar, et un vent vicieux faisait encore
chuter le mercure. Chaque respiration était comme un coup de pic à
glace. Tous mes poils du nez avaient gelé. J'avais été con de ne pas
m'enfiler ma rasade d'antigel comme tout le monde. Le hangar n'était
pas chauffé, mais nous protégeait du vent, ce qui était déjà beaucoup. À
cette température, chaque degré compte. Nos contacts nous attendaient,
hilares de nous voir marcher comme des pingouins, engoncés dans nos
vêtements.
- Vous avez de la chance, ça s'est réchauffé, hier il faisait moins cinquante-quatre.
Je ne pus même pas esquisser un sourire, ma mâchoire était paralysée.»
En 1996, Jean-Michel Cosnuau part vivre à Moscou et découvre l'ébullition
d'une Russie en pleine reconstruction. Le début d'une vie festive et
périlleuse, au cours de laquelle il devient le loup blanc des nuits moscovites,
apprend tout du banditisme ambiant et de la corruption, de l'éternelle
folie des Russes, en côtoyant nombre d'individus étranges. Vingt
années d'excès, d'amitiés et de trahisons, de rencontres amoureuses,
spirituelles ou éthyliques, qu'il nous raconte avec un mélange de fatalisme
et d'humour jubilatoire.
Une ode à la liberté qui se lit comme un roman noir.