Les grands écrivains sont souvent de grands théoriciens. C'est
particulièrement vrai en ce qui concerne les questions de genre
et de sexualité. Analysant les oeuvres de Proust, Genet et
quelques autres, Didier Eribon met en lumière la façon dont
les romans sont des espaces où s'affrontent des conceptions
antagonistes de la sexualité. Mais si diverses soient-elles, les
théories se déploient dans des cadres normatifs. Si les romans
mettent en scène des personnages «transgressifs» et des
pratiques «déviantes», cela reste inscrit dans un univers où
la polarité et la hiérarchie du masculin et du féminin sont rigidement
respectées. Les pratiques «subversives» déjouent-elles
alors réellement le système du genre ? Ce qui s'écarte de
la norme se situe-t-il en dehors de celle-ci ?
Mobilisant le concept de «verdict», Didier Eribon propose
d'orienter le regard vers le niveau des structures. Les pratiques
«minoritaires» pourraient bien faire partie du système et
contribuer à sa perpétuation plutôt qu'à sa transformation. Dès
lors, comment pouvons-nous envisager le changement social
et la politique radicale ?