Tu es notre bunker. À l'intérieur, une sorte
d'inceste permanent nous flingue les
cellules. Nous dégénérons. Nous faiblissons.
Tes parois ne suffisent plus : il te
faut renforcer l'isolement. Littéralement
terrorisés [...] nous ne vivons plus qu'en
communauté restreinte. Plutôt que de nous
battre en ton nom, comme s'il n'y avait plus
rien à défendre, nous nous engageons dans de
petites luttes domestiques.
Plus loin n'existe pas. La vie, c'est le
blockhaus : l'habitation à loyer modéré,
le hameau de campagne, le quartier
pavillonnaire, le gratte-ciel résidentiel,
l'impasse à lofts ou l'hôtel particulier.
Les types de logis s'affrontent pendant
que nos petits ego concourent. [...]
Tous contre tous, nous avons amoindri
nos forces, perdu notre lucidité, et cela
m'est égal, au fond, de brûler mes liens.
Que reste-t-il du sentiment d'être
français ? Telle est la question qu'Ariel
Kenig pose dans sa langue sensible
et frontale. Manifeste d'une jeunesse
indignée mais volontaire, Quitter la
France est écrit comme la lettre d'un
amoureux déçu.