Le 11 janvier 1944, dans l'aube froide d'un petit matin blême,
le comte Galeazzo Ciano est ligoté sur une chaise et fusillé dans
le dos, comme les traîtres, par un peloton de fascistes de la
République sociale de Salò. Ciano est le gendre de Mussolini, mais
celui-ci n'a rien fait pour le sauver des griffes de ses séides les plus
fanatiques.
Étrange destin que celui de cet homme assassiné à quarante
et un ans. Engagé très jeune dans le mouvement fasciste, il épouse
la fille du Duce qui en fait le chef de sa propagande avant de le
promouvoir aux Affaires étrangères. D'abord partisan puis artisan
de l'alliance avec l'Allemagne nazie, Ciano découvre peu à peu,
avec stupeur et dégoût, l'arrogance, la vulgarité et les ambitions
délirantes des dirigeants nazis. Il va, en 1939, tenter de désengager
l'Italie de cette alliance désastreuse afin de l'empêcher
d'entrer dans une guerre pour laquelle elle n'est absolument pas
prête. Mais il échoue. S'il a toujours été hostile à la démocratie, il
cesse alors d'être fasciste, opte pour un conservatisme autoritaire
et s'oppose à Mussolini, ce que les fascistes, partisans affichés du
totalitarisme, ne lui pardonneront pas.
C'est cette figure oubliée et pourtant symbolique des enjeux
de l'entre-deux-guerres - entre démocratie, totalitarisme et
autoritarisme - que restitue ici Michel Ostenc dans une biographie
extraordinairement documentée et pleine de nuances.