Michel Henry (1922-2002), philosophe et romancier,
appartient à la famille des phénoménologues «sans monde»
(avec Lévinas, et peut-être Derrida), que l'on pourrait opposer
à celle des phénoménologues «du monde» (Heidegger,
Merleau-Ponty).
Reprochant aux systèmes philosophiques d'oublier l'essentiel
de la vie, Michel Henry élabore une «phénoménologie de
la vie» qui entend ne pas trahir son mode de manifestation,
qui reste dans cette sphère d'immanence où la vie apparaît
comme ce qui se sent soi-même. Comprendre le «Moi» et
les phénomènes du monde à partir du «vivre» et de son
auto-affection, tel est le vrai ressort de cette oeuvre dense et
rigoureuse.
On se propose ici d'en restituer le mouvement, depuis
l'Essence de la manifestation jusqu'à Paroles du Christ en passant
notamment par Marx, Généalogie de la psychanalyse et
Voir l'invisible. Sur Kandinsky, et d'expliciter certains de ses
thèmes majeurs : la duplicité de l'apparaître ; la vie en tant
qu'autorévélation dynamique et pathétique ; l'auto-affection
comme essence de l'affectivité ; le corps ; l'ipséité du sujet ;
le rapport à l'Autre ; l'immanence.
En conclusion, on fait le point sur la trajectoire parcourue
par cette philosophie, partie d'une révélation phénoménologique
pour aboutir à une Révélation religieuse. En quoi
la rencontre d'Henry avec la «vérité du christianisme»
demeure-t-elle de nature philosophique ? Penser «l'essence
de la manifestation» permet-il d'emprunter d'autres chemins
que ceux qui conduisent au seuil de la foi ? On proposera
un début de réponse et quelques perspectives.