«Une existence surabondante dans le coeur» :
ces mots de Rainer Maria Rilke à la dernière
strophe de la IXe Élégie de Duino m'ont paru
les plus justes pour donner une entrée
à l'oeuvre d'Assia Djebar.
Paradoxalement, c'est le chant
de la pensée élégiaque célébrant l'ouvert
de la vie et l'intime combat avec la langue
de l'indicible, qui fait le passage vers
la prose d'Assia Djebar. Car c'est le portrait
en vérité d'une écriture par le coeur qui
se dessine dans ses textes. Tout lecteur
de l'oeuvre comprend bientôt qu'il n'y a pour
elle d'existence plénière que dans
les rythmes cardiaques, au corps à coeur
de la phrase qui jette ses plus hauts cris
- «cri ouvert», spasme, hololugué, tzarl-rit,
vociférations -, dont le débord organise
des architectures textuelles raffinées,
des vacances, des variations, une fugue
sans précédent.
Assia Djebar trouve et tourne
une langue qui nous fait plus grands
que nous.