Pathologie fin de siècle, au même titre que
l'hystérie avant elle, l'anorexie fascine et atteint des
proportions épidémiques. Pourtant, le jeûne forcené
a toujours existé, comme en attestent les récits
bibliques et les témoignages d'époques anciennes.
Affirmation d'une négation, quête d'absolu ou
expérience intérieure du vide, l'anorexie est la proie
de tant de discours qu'elle en devient mythologie. Le
corps émacié en est la métaphore morte.
Mais là où le discours médical s'épuise, la
littérature offre de nouvelles interprétations au travers
des figurations qu'elle propose. Moteur, remède ou
conséquence de l'anorexie, l'écriture lui est intimement
liée. Les deux pratiques, qui sont aussi deux
expériences de la limite, se mêlent étrangement au
point que l'anorexie apparaît comme une pathologie
de l'écriture. Mais aussi, en conférant à l'anorexie le
sens qui lui manquait, l'écriture lui donne son éthique.
Ce périple à travers la littérature, des champions
du jeûne aux artistes de la faim, de Kafka à Gide, en
passant par Byron, Brontë, Woolf et bien d'autres,
permet de définir une sémiotique de l'anorexie : ce
que l'on appellera ici la taille zéro de l'écriture.