«Contrairement à bien de ses contemporains
parvenus à des âges comparables,
Yves Bonnefoy ne connaît aucune éclipse
de ce qu'on est convenu d'appeler
l'inspiration (qu'on songe à René Char, astre
qui pour finir s'éteint ; à Philippe Jaccottet,
hanté par le spectre du tarissement).
Et son oeuvre critique, d'une puissance
inégalée dans tout l'horizon contemporain -
au point qu'on n'a quasiment pas commencé
d'en prendre la mesure, qui est celle
d'une des pensées majeures de son siècle -
ne cesse d'étendre son ensemencement
fertile dans un double champ : celui
de l'herméneutique des images (il achève
un Goya, n'a pas renoncé à écrire un jour
un Poussin ou un Caravage - quand viennent
de paraître ses Remarques sur le regard
qui poursuivent l'enquête du monumental
Giacometti sur l'art du XXe siècle) ; et celui
de l'interprétation des textes (Sous l'horizon
du langage, dernier en date des volumes
de critique littéraire, réunit en particulier
tous les nouveaux développements
de sa pensée, de 1992 à 2001, sur Baudelaire
et Mallarmé). Indiquer ces parutions
en volumes ne fait au demeurant que parer
au plus pressé ; car Yves Bonnefoy ne cesse
en fait d'écrire : s'il n'écrit pas de poèmes,
c'est qu'il écrit préfaces, conférences
ou entretiens, dont seule une partie
(jugée par lui de plus de sens) connaîtra
ultérieurement les honneurs d'une reprise
en recueil. Et ce rythme d'écriture
(et de publication), qui a toujours été le sien,
n'a peut-être jamais été aussi soutenu
qu'en la période actuelle.»