Saint-John Perse affirme que le poète
n'est pas une personne, mais une fonction,
une haute fonction, aurait-on envie de dire,
comparable à celle qu'il tenait lorsqu'il
dirigeait le Quai d'Orsay en tant
que secrétaire général. L'un était un haut
fonctionnaire, représentant de l'État,
et aimait à être reconnu comme tel.
L'autre, le poète, s'engagea à tenir la haute
fonction de représentant de l'Être auprès
des hommes de son temps : «Ainsi par
son adhésion totale à ce qui est, le poète
tient pour nous liaison avec la permanence
et l'unité de l'Être. Et sa leçon est
d'optimisme.»
Henriette Levillain
Au poète indivis d'attester parmi nous
la double vocation de l'homme.
Et c'est hausser devant l'esprit un miroir
plus sensible à ses chances spirituelles.
C'est évoquer dans le siècle même
une condition humaine plus digne
de l'homme originel. C'est associer enfin
plus hardiment l'âme collective
à la circulation de l'énergie spirituelle
dans le monde... Face à l'énergie nucléaire,
la lampe d'argile du poète suffira-t-elle
à son propos ? - Oui, si d'argile se souvient
l'homme. Et c'est assez, pour le poète,
d'être la mauvaise conscience de son temps.
Saint-John Perse
Poésie, allocution au banquet Nobel
du 10 décembre 1960, Discours de Stockholm