1910. Dans le port du Havre, la vapeur des steamers et des
paquebots géants tue la navigation à voile. Sur les quais, le
charbon est roi et s'engloutit par milliers de tonnes dans les
entrailles des monstres d'acier qui doivent aller toujours plus
loin, toujours plus vite. Cette boulimie de progrès fait la fortune
des grandes familles de négociants havrais, et notamment des
«maîtres charbonniers» qui connaissent une prospérité sans
précédent. À l'autre bout de la chaîne, loin des privilèges, des
capitaux et des places boursières, les débardeurs vivent un
véritable enfer. Rongés par la tuberculose, minés par l'alcool,
enfermés dans un ghetto de misère, les ouvriers charbonniers
sont la lie du port, parias de la classe ouvrière ouvertement
méprisés par les autres dockers. Sauf un. Révolutionnaire
idéaliste et buveur d'eau, surnommé «le curé», Jules Durand
s'engage chez les charbonniers, reprend en main leur syndicat,
devient leur leader. Effarés de voir une horde de clochards
dépenaillés se transformer en une troupe organisée, les maîtres
du charbon n'ont plus qu'une idée : abattre cet homme qui les
met en danger. Par tous les moyens.
Avec cette fresque poignante des luttes sociales à l'aube du
XXe siècle, inspirée de faits authentiques, Philippe Huet (Grand
prix de littérature policière pour La main morte) s'essaie à un
genre nouveau. Dans la plus pure tradition naturaliste, ce roman
fait revivre de manière saisissante Le Havre et son passé ouvrier.