Un certain Felloni. Ferrare, 1943. Alors qu'il se rend à bicyclette à
son poste de travail, Felloni est pris dans une embuscade fasciste. Sans rien
comprendre à ce qui lui arrive, le jeune homme se retrouve peu après couché
dans la neige, blessé, parmi d'autres agonisants.
Dans ce temps suspendu qui s'ouvre entre la vie et la mort, les souvenirs
affluent : la tendresse de sa mère, le gâteau aux châtaignes, l'odeur du tabac de
son père, la pêche aux anguilles dans le delta, mais aussi ses frayeurs d'enfant face
aux exactions fascistes, aux chants de propagande, au désespoir des adultes.
Plane aussi le doux visage de Sandra, de son amour qui lui faisait oublier la guerre.
Michèle Lesbre, en s'emparant du personnage de Felloni, apparu fugitivement
dans une nouvelle de Giorgio Bassani, Une nuit de 1943, écrit un texte intense
et poétique sur le chaos de la guerre, sur l'absurdité de cette mort et sur ces
vies ordinaires que l'histoire jette dans les ténèbres.
Comme en écho à ses visions, les dessins de Gianni Burattoni déclinent les
gammes du gris, donnant corps aux brumes angoissantes du delta du Po, à la
violence et à la mort, avec un trait d'une subtile beauté.