Dans son traité De l'architecture et de l'art de bien bâtir (1452), Léon
Battista Alberti distinguait les types de palais suivant la nature du
pouvoir de ceux qui y résidaient : «L'habitation devra être conforme au type
de vie que le chef entend y mener, qu'il soit roi, tyran ou personne privée.»
Quel sens les princes bâtisseurs ont-ils donc voulu donner à l'espace qui
consacre leur autorité ? C'est la question qu'explorent les différentes
contributions de ce volume, qui se veut avant tout livre d'histoire.
Histoire, et pas seulement histoire de l'art : la brique, la pierre, le marbre
y sont considérés comme une archive capable, au même titre qu'une
charte ou un traité de jurisconsulte, d'éclairer l'historien sur la nature
du pouvoir. Architecture parlante, le palais, avec les jardins qui
l'entourent, se donne à voir tel un texte, la structuration d'un espace
traduisant l'idéologie dans la matière. De la Chine à l'Europe, de
l'Antiquité tardive aux Lumières, de Bagdad à Versailles en passant par
Constantinople, les palais matérialisent un imaginaire de force et
d'intimidation, thésaurisent les richesses, imposent une «mise en
ordre» de la cour, hiérarchisent l'accès au prince, participent au
processus de «civilisation des moeurs».
À la fois manifestations de puissance et gardiens de mémoire, les lieux
de pouvoir traités dans ce livre montrent l'ambivalence des formes par
lesquelles le prince façonne un lieu à son image.