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Compte rendu

La France à l'honneur de la Foire du livre de Belgrade

novembre 2023

Du 21 au 29 octobre 

Pour la première fois depuis 20 ans, la France était l’invitée d’honneur au Salon du livre de Belgrade. Elle y tenait un grand stand sur lequel l’Institut français, en collaboration avec le BIEF, proposait de nombreuses activités et animations variées.


L’ambiance était festive, sportive et surtout très germanopratine sur le stand français situé dans le Hall 2 de la Foire, construit à l’époque yougoslave en 1957. Autour du stand, les photos des célèbres cafés parisiens attiraient les visiteurs belgradois, curieux de découvrir des livres français dont 1000 titres étaient exposés et vendus grâce à un partenariat entre le BIEF et le réseau de librairies Delfi ainsi qu’entre les éditeurs serbes et français. Des livres en français mais également traduits du français vers le serbe, la plupart ayant été publiés avec le soutien du gouvernement français grâce au programme d’aide à la publication Danilo Kiš.



À l’entrée du stand, une colonne Morris affichait les noms des 20 auteurs français présents dont Pierre Assouline, Catherine Cusset, Julia Cagé, Thomas Piketty, Éric-Emmanuel Schmitt et Mathias Énard, qui a ouvert la Foire avec le romancier, poète et éditeur serbe Vladislav Bajac. Le gazon au sol, le panier de basket au fond du stand et les activités sur le thème du sport ont mis les visiteurs dans l’ambiance des JO pour le plaisir notamment du jeune public tandis que la scène littéraire sur le devant du stand attirait les visiteurs francophiles et souvent encore francophones venus rencontrer les écrivains français et serbes lors des lectures, tables rondes et séances de dédicaces.


Mathias Énard avec son éditrice serbe Bora Babić et Sonja Filipović de l'IF à Belgrade


Pour compléter ce programme, le BIEF et l’Institut français ont organisé une journée professionnelle réunissant une trentaine d’éditeurs serbes et français autour des thèmes du piratage, de l’aide publique à l’édition en France et en Serbie et de la coopération franco-serbe dans le domaine du livre. Si la France jouit d’un important soutien à l’édition, la situation n’est évidemment pas la même dans des petits pays de langues rares et non-membres de l’UE comme c’est le cas de la Serbie où il n’existe quasiment pas d’aide publique aux auteurs, éditeurs et libraires.


L’aide à la traduction de l’Institut français et du CNL leur est d’autant plus précieuse, comme le souligne Bora Babić, directrice d’Akademska Knjiga. "Notre collaboration avec le CNL se passe très bien, nous voulons publier des auteurs français car depuis l’époque yougoslave nos lecteurs ont l’habitude de les lire et nous essayons de populariser la culture française en faisant venir des auteurs en Serbie, comme Éric Vuillard par exemple qui était invité à Novi Sad, Belgrade et Karlovac pour une rencontre scolaire qui a eu beaucoup de succès." En 2019, une soixantaine de livres ont été traduits dans les deux sens et en moyenne 13 titres serbes bénéficient de l’aide à la traduction par an, précise Régine Hatchondo, présidente du CNL.


Zoran Hamović, association des éditeurs de Serbie, Stanislas Pierret, Institut français de Serbie


Concernant le piratage, Zoran Hamović, président de l’association des éditeurs de Serbie, remarque que la législation européenne a aidé les auteurs serbes même si le pays ne fait pas partie de l’UE. L’Union va justement adopter le verrou LCP (Licensed content protection, LCP), "une nouvelle technique de protection de l’offre numérique, facile à utiliser pour les lecteurs et également accessible aux mal voyants", explique Virginie Clayssen, présidente de la Commission numérique du Syndicat national de l'édition.


Ces tables rondes et l’échange avec les professionnels français durant la foire ont été très appréciés par leurs homologues serbes qui bien trop souvent n’ont pas d’interlocuteurs chez eux. "Il est dommage qu’aucun représentant du ministère de la Culture ne soit présent pour suivre nos discussions. Cela les aiderait à mieux saisir nos enjeux", regrette Zoran Hamović qui souhaite vivement renforcer la collaboration franco-serbe dans l’avenir.


Katja Petrovic 


Le Salon du livre de Belgrade ayant eu lieu juste après la Foire de Francfort cette année, une petite délégation de six professionnels du livre français a fait le déplacement en Serbie dont certains ont découvert le marché tandis que d’autres le connaissaient depuis longtemps.


Laura Karayotov travaille pour l’agence Lester, en charge entre autres de la représentation des titres français pour la Serbie depuis presque 10 ans.


"Je connais très bien l’édition serbe mais je ne suis jamais venue au Salon de Belgrade et c’était intéressant de découvrir la réalité du marché. Plein de maisons ont changé leurs priorités depuis la pandémie et ont basculé vers des titres plus faciles à vendre car l’économie du pays va mal. Mais je vois également une évolution, notamment sur le livre jeunesse. Il y a des styles d’illustration qui étaient considérés comme trop occidentaux avant et cela commence à changer. Au niveau des contenus, certains sujets restent compliqués, les questions LGBT par exemple car il s’agit d’un pays assez traditionnel et ce Salon réservait un emplacement important consacré à la religion. Cela n’empêche pas qu’en littérature les éditeurs serbes s’intéressent à des sujets comme l’identité ou l’immigration, parce qu’ils sont plus au courant des projets comme Creative Europe dont ils bénéficient des aides même sans appartenir à l’Union européenne. Donc ils connaissent les thématiques plus faciles à placer."


Natalie Vock-Verley est directrice des Éditions du Ricochet et membre de l’association Éditeurs du Sud. Accompagnée d’Isabelle Côté, déléguée générale de l’association, elle s’est rendue à Belgrade pour défricher un nouveau terrain.


"Ma première impression est qu’il y a une très grosse production dans laquelle il n’est pas toujours facile de se repérer, notamment entre l’édition en langue cyrillique et celle en langue latine. La surprise pour moi a été la place de la bande dessinée qui est remarquable et qui tourne beaucoup autour des grands succès européens. J’ai eu des échanges intéressants, faciles et très chaleureux avec une volonté de promouvoir la littérature serbe et de favoriser plutôt le sens de la vente de droits de la part des éditeurs. Je pense que cela passe aussi par une envie de reconnaissance, j’ai néanmoins laissé des catalogues et je suis curieuse de voir ce que cela va donner."


Propos recueillis par Katja Petrovic