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Maryline Desbiolles et Fridolin Schley, lauréats du prix Franz Hessel

novembre 2023

Créé en 2010 par la Villa Gillet et la Fondation Genshagen, ce prix franco-allemand a pour but d’approfondir le dialogue culturel entre la France et l’Allemagne, fortement impacté par la récente fermeture des Instituts Goethe à Bordeaux, Lille et Strasbourg. Interview d’Angelika Eder, directrice de la Fondation Genshagen.


Attribué chaque année à un auteur francophone et à un auteur germanophone contemporain, le prix Franz Hessel contribue à l’approfondissement des relations intellectuelles entre la France et l’Allemagne et vise à favoriser la traduction des œuvres primées dans l’autre langue. Quels sont ces livres et est-ce qu'ils se font traduire facilement? Questions posées à Angelika Eder, directrice de la Fondation Genshagen. 


BIEF : Cette année, le prix Franz Hessel a été décerné à Maryline Desbiolles pour son roman Charbons ardents (Seuil 2022) dans lequel elle revient sur le difficile rapport de la France à l’Algérie. Du côté allemand, un autre roman sur l’histoire, Die Verteidigung (Hanser Berlin, 2021) de Fridolin Schley a été récompensé. Il porte sur le procès à Nuremberg, en 1947, lors duquel furent jugés d’anciens hauts fonctionnaires nazis. Pourriez-vous dire un mot de ce choix. Est-il emblématique des livres que vous récompensez ?


Angelika Eder : "Le choix des lauréats actuels reflète de manière exemplaire l'un des critères de sélection du jury franco-allemand : la 'résonance' des deux œuvres et auteurs sélectionnés, c'est-à-dire s'ils abordent des sujets similaires, tant sur le plan esthétique que social. Fridolin Schley et Maryline Desbiolles ont été choisis entre autres parce que leurs romans traitent d'événements historiques importants en Allemagne et en France, dont les implications se font sentir jusqu'à nos jours. Le jury franco-allemand a établi ce critère il y a trois ans, car le prix Franz Hessel doit permettre aux lauréats d'échanger et de dialoguer. L'année prochaine, ils seront invités à participer à différentes manifestations - notamment le festival Littérature Live à Lyon et la Foire du livre de Leipzig - et si possible à une résidence à la Fondation Genshagen. Ce critère de sélection a une influence sur le fait que les livres récompensés traitent effectivement de questions similaires."

 

BIEF : Depuis plusieurs années, le marché germanophone est particulièrement réactif aux titres français : en 2022, 1019 ont été cédés dont 137 en fiction. En France, la situation est loin d’être aussi rose. L’allemand reste la troisième langue traduite mais le nombre de cessions ne cesse de baisser avec 502 titres dont 88 romans. Avez-vous du mal à trouver des éditeurs français pour publier les lauréats du prix Franz Hessel ?

 

Angelika Eder : "L'un des objectifs du prix est d'encourager les maisons d'édition à traduire les livres primés en allemand et en français. La Fondation Genshagen et la Villa Gillet, notre partenaire pour le prix Franz-Hessel, ne contactent pas directement les maisons d'édition. Les traductions doivent être effectuées par les maisons d'édition elles-mêmes, cependant, tant du côté allemand (Goethe-Institut) que du côté français (Institut français), elles peuvent bénéficier d’un soutien financier. Le déséquilibre entre les traductions allemandes et françaises que vous décrivez est également visible pour les livres des lauréats précédents. Sur les 12 titres en allemand et les 12 titres en français, 6 ont été traduits en allemand et 4 seulement en français. Deux des traductions françaises ont été réalisées par des maisons d'édition suisses ; dans ce cas, il existe une aide spéciale pour les traductions en français."

 

BIEF : Ce prix, doté de 10 000 euros, est soutenu par les ministères de la Culture français et allemand. Il y a donc une volonté politique de relancer les relations culturelles entre la France et l’Allemagne. Selon vous, où en est actuellement cet échange ?

 

Angelika Eder : "Pour moi, la mise en valeur du plurilinguisme fait partie intégrante des relations franco-allemandes dans le domaine de la culture et de la littérature. Chacun en Europe devrait au moins essayer d'apprendre deux langues, en plus de sa langue maternelle. Nous devons davantage insister sur ce point et encourager plus fermement l’apprentissage des langues européennes. La pandémie a certainement freiné temporairement certaines euphories dans les échanges culturels. Cependant, il y a tant d'exemples positifs à tous les niveaux que je suis tout à fait confiante."

 

BIEF : La fermeture en France des trois Instituts Goethe, à Lille, Strasbourg et Bordeaux, a été un choc. Comment avez-vous réagi à la Fondation Genshagen et avez-vous les moyens de pallier ce manque d’une manière ou d’une autre ?

 

Angelika Eder : "Chaque fermeture d'un Institut Goethe est une entaille dans les structures d'échange culturel bien établies. Dans les temps difficiles que traverse actuellement l'Europe, la fermeture d'Instituts Goethe en France est un signal alarmant. C'est pourquoi nous avons signé la lettre ouverte de la Fédération des Associations franco-allemandes pour l’Europe. Mais il existe, au-delà de ces formes institutionnelles, de très nombreuses autres activités culturelles franco-allemandes qui, nous l'espérons, seront toujours suffisamment soutenues."

 

Propos recueillis par Katja Petrovic