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Portrait et entretien de professionnel

"C’est un défi assez grisant !"

novembre 2023

Du 18 au 22 octobre

La Foire du livre de Francfort a fêté ses 75 ans cette année. Le "retour à la normale" tant attendu a-t-il eu lieu ? Comment les années Covid ont-elles transformé l’activité internationale de la Foire et comment réagit elle aux actuelles tensions géopolitiques ? Retour sur ce jubilé avec Niki Théron qui travaille à la Foire du Livre de Francfort depuis 2004. 


Niki Théron est responsable de programmes professionnels internationaux à la Foire du livre de Francfort tels que le Frankfurt Fellowship Programme et un nouveau programme destiné aux éditeurs d'Ukraine et des pays voisins ainsi que des rencontres professionnelles bi- ou multilatérales comme le Salon Francfort ou la série Let’s Talk ! qui ont réuni des éditeurs et éditrices de 13 pays du Sud-Est de l’Europe et de Turquie à Athènes.


BIEF : Niki, cela fait presque 20 ans que vous travaillez à la Foire du livre de Francfort. À l’occasion des 75 ans, 75 personnes, représentantes du livre, de la politique, des institutions, mais aussi des conducteurs de métro ou des restaurateurs de Francfort ont partagé une anecdote qui les lie à cet évènement. Quel est votre meilleur souvenir de la Foire ?


Niki Théron : "C’est une question difficile car j’en ai des dizaines ! Au risque de paraître un peu sentimentale : mon meilleur souvenir est sans doute la première foire post-covid, la première fois que j’ai pu de nouveau serrer collègues et amis dans mes bras."


BIEF : Y a-t-il une anecdote que vous avez envie de partager par rapport à ce jubilé ?


Niki Théron : "ARTE a produit cette année un film bourré d’anecdotes autour des 75 ans de la Foire et je le trouve très réussi !"


BIEF : La Foire a connu de nombreuses évolutions ces dernières années. Qu’est-ce qui a changé pour votre activité au département international depuis la pandémie ?


Niki Théron : "Notre façon de travailler a radicalement changé suite à la pandémie car l’équipe des relations internationales travaille depuis en autogestion, sans hiérarchie autre que le directeur de la Foire, Jürgen Boos, et c’est une petite révolution ! Cela nous a permis de gagner énormément d’autonomie en encourageant chez chacun la prise d’initiative et de responsabilité. Toutes les décisions importantes sont prises en collectif, ensuite chaque collègue est libre de concevoir et d’organiser ses projets en coopération étroite avec nos partenaires locaux. C’est un défi assez grisant ! Pendant la pandémie, nous avons tout comme le BIEF lancé un nouveau site internet anglophone, German Stories - News from Frankfurt, qui présente nos activités dans le monde ainsi que le marché du livre allemand sous différentes facettes. Concernant nos partenaires, nous avons la chance de pouvoir compter sur le soutien du ministère des Affaires étrangères allemand et de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse depuis plusieurs décennies et la pandémie nous a poussés à opérer ensemble un tournant numérique, avec des programmes en ligne ou hybrides, et à expérimenter de nouveaux formats comme les "Pop-up book exhibitions" dans des pays tels que l’Arménie, l’Albanie, la Géorgie, Israël, Taiwan, ou dernièrement le Ghana."


BIEF : Depuis la fin de la pandémie tout le monde attend le fameux retour "à la normale". Quelle est votre impression de cette 75e édition de la Foire ? Est-ce que le "business as usual" a repris ?


Niki Théron : "Je crois qu’il n’y a plus de normalité, comme toutes les personnes présentes à la Foire cette année, j’étais profondément perturbée par l’état actuel du monde. Cependant, dans la bulle qu’est le monde du livre, en effet nous avons eu l’impression d’un retour aux bons côtés du "monde d’avant", avec le centre des agents LitAg affichant complet, des éditeurs américains et asiatiques de nouveau au rendez-vous, et les fêtes battant leur plein sur les stands dès 17 heures."


BIEF : La foire a toujours été le reflet des confits dans le monde. C’était le cas notamment cette année avec la guerre Israël-Hamas et en 2022 avec l’invasion de l’Ukraine. Quel impact ces évènements ont-ils concrètement sur votre travail ?


Niki Theron : Ces guerres et conflits ont un impact très concret sur mon travail : notre Frankfurt Fellow israélienne, Talia Marcos, éditrice chez Modan, a dû reporter son arrivée en Allemagne suite à l’attaque du Hamas. Une participante de notre Special Programme for Ukraine & Neighbouring Countries n’a pu nous rejoindre car son mari venait d’être envoyé au front et elle s’est retrouvée seule avec ses enfants en bas âge. Et notre participante arménienne, l’agente littéraire Anna Baghmaryan de ARI Literary & Talents Agency, a été très marquée par l’annexion du Haut Karabakh et l’afflux de 100 000 à 120 000 réfugiés traumatisés à Erevan, une ville qui compte normalement 1 million d’habitants. Je tiens à saluer tous ces collègues vivant dans une zone de conflit et prêts à faire parfois plus de trois jours de voyage pour rejoindre Francfort, comme les éditeurs ukrainiens obligés d’aller en Pologne en bus, voiture ou train avant de pouvoir prendre un avion pour l’Allemagne."


BIEF : La Foire est également l’occasion de réunir les anciens participants des programmes que vous organisez. Qui était au rendez-vous cette année ?


Niki Théron : "La Foire du livre est toujours l’occasion de réunir les anciens participants de nos programmes internationaux autour d’un petit-déjeuner ou d’un cocktail. Cette année, près de 150 Alumni et Alumnae d’une soixantaine de pays y étaient présents, les plus anciens ayant participé à la fin des années 1990, les plus jeunes en 2023. Pour mes collègues et moi, ce sont toujours des moments émouvants, joyeux et porteurs d’espoir."

 

Propos recueillis par Katja Petrovic