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Compte rendu

Le Bookfest à Bucarest, "un salon dynamique et à taille humaine"

juin 2023

24 au 29 mai

La Foire du livre de Bucarest est un événement populaire en Roumanie. Les éditeurs locaux y étaient disponibles tout au long de la semaine pour rencontrer les éditeurs et agents étrangers dont la délégation française, réunie sur le stand du BIEF. 


La France, par d'anciennes traditions de dialogue culturel avec la Roumanie, reste relativement présente dans le monde du livre roumain, surtout en littérature. Le français reste une langue comprise par les Roumains, même s’ils sont aujourd’hui moins nombreux à la parler. L’édition est fortement marquée par les traductions : entre la moitié et les trois quarts de la production sont issus de traductions, principalement de l’anglais, mais également du français avec la présence sur les étals de nombreux titres primés. Malgré l’attention qu’ils portent aux publications étrangères, les éditeurs et lecteurs roumains ne sont pas encore réceptifs aux bandes dessinées et aux romans graphiques dont la présence en librairie comme sur les stands des éditeurs est modeste et très hétéroclite. Les mangas sortant d’ailleurs à peine du lot.


"Goodbye Ceausescu" - un bel exemple de BD documentaire en Roumanie


Le marché du livre roumain, très concentré, est constitué de quelques grands groupes (Litera, Art, Humanitas, Polirom, Trei, Nemira) qui possèdent de nombreuses marques et enregistrent quasiment les trois quarts des ventes. Le niveau de vie est de 30 à 40 % inférieur à celui de l'Europe de l'Ouest, et compte tenu des difficultés économiques actuelles (inflation notamment), du faible montant du salaire minimum (700 euros) et de la variété des divertissements, le prix de commercialisation des livres est mesuré. Le chiffre d’affaires des librairies repose donc aussi beaucoup sur la vente de produits connexes, de papeterie ou même de bibelots. En outre, l’achat en ligne (plutôt en milieu urbain), en hausse grâce aux promotions, a conduit à la disparition des librairies dans les petites villes et en milieu rural. À l’inverse, la librairie française de Bucarest, Kyralina, qui fêtait ses 10 ans fin 2022, vient d’ouvrir un corner de livres français à Timișoara, au sein de la librairie La Două bufnițe (Aux deux hiboux). Ce projet soutenu par le CNL permettra d’atteindre le lectorat francophone de l’autre grande ville du pays.

 


Invitée spéciale de cette édition, l’Italie poursuit sa présence en grand format dans les salons du livre du monde entier : après une participation d’honneur à Alger et Sharjah en 2022, Paris et Bucarest en 2023, une belle ligne droite s’annonce vers Francfort en 2024. 




"Malgré le contexte difficile, les éditeurs roumains restent mobilisés"


Pour Julia Charles, responsable des droits chez Gallimard Jeunesse, le Bookfest est un salon très dynamique, malgré le contexte économiquement et politiquement difficile en Roumanie, pays voisin de l’Ukraine et qui subit de nombreuses conséquences du conflit.


BIEF : Quelles sont vos impressions sur le Bookfest ?


Julia Charles : "Comme l’ensemble de nos partenaires, les éditeurs roumains déplorent l’inflation actuelle qui impacte non seulement le pouvoir d’achat de leurs lecteurs mais aussi les coûts de fabrication. La guerre en Ukraine, pays frontalier de la Roumanie, est également une préoccupation très concrète : la Roumanie est un territoire de passage qui accueille de nombreux réfugiés ukrainiens, installés dans la grande rotonde présente dans l’enceinte même de Romexpo où se tenait le Bookfest. Par ailleurs, la fréquentation a été perturbée par une grève des enseignants de plusieurs jours, qui a conduit à l’annulation de nombreuses visites des publics scolaires. Un véritable manque à gagner aux dires des éditeurs que j’ai eu l’occasion de rencontrer, mais qui restent néanmoins mobilisés, optimistes et désireux de poursuivre les acquisitions de titres étrangers malgré le contexte économique et social difficile. Tout en restant un salon à taille humaine, Bookfest est une manifestation que j’ai trouvée extrêmement dynamique et la disponibilité des éditeurs roumains est à saluer. Les échanges ont été riches, chaleureux et très qualitatifs."


BIEF : Comment se sont passés vos rendez-vous avec les éditeurs roumains ?


Julia Charles : "Seules quatre maisons (Eyrolles, Gallimard, Gallimard Jeunesse, Tyalgr) étaient représentées sur le stand du BIEF, et j’étais la seule chargée de droits en charge d’un catalogue jeunesse. Une véritable chance car les éditeurs jeunesse roumains étaient donc très disponibles pour convenir de rendez-vous et j’ai pu remplir sans difficulté un planning complet, additionné de visites informelles de stands en compagnie des éditeurs roumains avec lesquels nous travaillons. Les observations de mes contacts sont contrastées selon les maisons. Si tous s’accordent sur l’influence de la pandémie quant à l’augmentation des achats en ligne directement depuis les sites Internet des éditeurs ou des revendeurs en ligne (Amazon n’est pas présent en Roumanie mais la plupart des éditeurs sont dotés de plateformes de ventes directes depuis leurs sites et les plus petits acteurs sont présents sur les revendeurs Elephant et Libris), tous ne partagent pas la même perception de la santé du marché du livre en Roumanie, qu’ils décrivent tantôt en progression, tantôt au ralenti pour ces deux dernières années. L’absence de données chiffrées publiques ne permet pas de clarifier ce point mais un coup d’œil attentif aux publications mises en valeur sur les tables des éditeurs présents sur le salon et les étagères des libraires montre une production variée, fortement nourrie d’acquisitions anglo-saxonnes et françaises, bien que certains segments comme la très petite enfance soient encore sous-représentés."


BIEF : Quels sont les titres qui ont attiré l'intérêt des éditeurs roumains ?


Julia Charles : "Nous travaillons depuis plusieurs années déjà en coédition avec certains de nos partenaires roumains et cette tendance se renforce depuis deux ans environ. Ils n’hésitent donc plus à étudier les ouvrages à fabrication spéciale – je pense notamment à la collection Mon documentaire animé issu de l’univers Mes premières découvertes ou encore à notre collection sonore Touche & Écoute. Pour autant, les albums, les titres documentaires disponibles en cession ainsi que la fiction middle-grade comptent parmi les ouvrages les plus demandés. Et la Roumanie n’échappe pas à l’engouement international pour les titres de fiction ayant trait à la mythologie ou aux grands héros de l’Antiquité !"


Laurence Risson, Katja Petrovic