Articles

Imprimer Partager sur Facebook Partager sur Twitter Partager sur LinkedIn

Compte rendu

La France à l'honneur à la Foire du livre de Delhi

avril 2023

25 février au 05 mars 

Après deux ans d’absence, la Foire du livre de New Delhi était très attendue par les professionnels et le public. Au centre de cette première édition post-Covid : le 75e anniversaire de l’indépendance de l’Inde et la France, pays invité d’honneur. 


Organisé par le National Book Trust, en partenariat avec l’India Trade Promotion Organisation, la New Delhi World Book Fair a attiré de nombreux éditeurs, libraires et auteurs de tout le pays mais également du monde entier, ravissant un lectorat indien considérable qui, durant 10 jours, s’est rendu à Pragati Maidan. Visant à promouvoir les livres et la culture de la lecture en Inde, cet événement permet à l’ensemble des langues indiennes d’être représentées, notamment l'ourdou, l'hindi, le marathi, l'assamais, le pendjabi et le malayalam, même si, depuis quelque temps, elles connaissent une baisse constante de leur usage.


Le 75e anniversaire de l’indépendance de l’Inde était une bonne occasion pour rendre encore plus visible l’histoire mais aussi l’actualité de ce pays à multiples facettes. Pour célébrer cet évènement, les organisateurs de la foire ont programmé des rencontres avec les auteurs indiens. Plus que d'habitude, de nombreux écoliers et étudiants sont venus cette année et tout le monde se faisait prendre en photo devant le drapeau indien, placé parmi les drapeaux des autres nations participant à la foire du livre de Delhi. Un vrai défilé ininterrompu !



La Foire du livre de New Delhi favorise également la coopération internationale dans le domaine des échanges de droits. Avec près de 300 m², le pavillon français, divisé en trois parties, a été littéralement envahi par le public indien. La librairie Oxford Book Store, chargée de la commercialisation du stand français, proposait également les traductions en anglais des livres des auteurs invités. De nombreuses demandes de livres de lecture facile pour les débutants en français, de méthodes et dictionnaires, ont été notées par cette dernière, doublées d’une très grande curiosité pour le livre de jeunesse. Sur plus de 100 m² étaient exposés les livres des maisons d’édition françaises ayant participé à l’opération Foires du Monde 2023 mais également à celle de 2022, ce qui offrait aux professionnels et au public indiens une très belle vitrine de plus de 2000 titres.


Un stand France très remarqué


Margot Miriel (Gallimard), Adélaïde Sorel (Calmann-Lévy), Iulian Miron (EHESS Éditions), Étienne Cayeux (Presses de l’Inalco), représentant en Inde de Médiatoon, Charlotte Botrel (La Partie) avaient fait le déplacement et ont pu rencontrer les éditeurs indiens dans l’optique de réaliser prochainement des cessions de droits. À ce sujet, Julia Trouilloud, attachée culturelle, observe un bilan plutôt positif de cette invitation : "Malgré le petit nombre d’éditeurs français présents à Delhi, nous avons reçu un grand nombre de demandes d’aide à la publication, ce qui est plutôt bon signe sur la volonté des éditeurs indiens de s’ouvrir au marché français".


Une quinzaine d’auteurs français composait la délégation officielle avec, notamment, la prix Nobel de littérature Annie Ernaux, dont les Indiens ont apprécié la présence lors de l’inauguration, Camille Laurens, Olivia Ruiz, Susie Morgenstern, Laura Nsafou, et les auteurs-illustrateurs de romans graphiques et bandes dessinées, Mathieu Bertrand et Simon Lamouret qui avaient créé l’ensemble des illustrations décorant l’intérieur et l’extérieur du stand. Des Battle BD, programmées chaque jour, ont rencontré un énorme succès, notamment celles opposant un illustrateur français à un Indien. Le public, également sollicité, attendait avec impatience ce rendez-vous à l'image de cette foire très grand public et dynamique. Pour quiconque souhaite mieux connaître ou découvrir ce marché complexe mais prometteur à long terme pour les maisons d’édition françaises, l’étude pays sur l’Inde, publiée en 2020 par le BIEF mais toujours actuelle, est à lire ou à relire.

 

Christine Karavias


 

Retour d’expérience de Iulian Miron, Éditions EHESS

 

"Je voulais voir en détail pourquoi les éditeurs non anglophones sont si peu présents sur un marché avec de telles données démographiques. 528 millions d’Indiens parlent l'hindi, 97 millions le bengali, 69 millions le tamoul. Plus pertinent pour nous, la concentration urbaine dans les villes (universitaires) de nos interlocuteurs : 32,2 millions d’habitants à New Delhi, 15,1 millions à Calcutta et 11,5 millions à Chennai. 3 % des habitants de chacune de ces capitales d'État aux langues propres constituent un marché en soi. À New Delhi, un même ouvrage de référence (poche, 520 pages) coûte un tiers de son prix en France, pour un rapport de 1/7 entre les revenus moyens. Le peu de visibilité des librairies à New Delhi interpelle. 


À la librairie Oxford, lieu prisé au centre-ville, j'ai fouillé le rayon non-fiction pour voir ce que se lit. Des auteurs indiens, dans l'immense majorité, des best-sellers internationaux et les presses universitaires américaines connues, avec un rayon de traductions très peu fourni et mis en valeur. Les étalages de livres en centre-ville sont aussi parlants : les têtes de vente Amazon, de Mark Manson et Michelle Obama à Elon Musk, et des dizaines de livres de développement personnel. Le service "Books, Debates & Ideas" de l'Institut français essaie de raviver une nouvelle fois le French corner, inauguré en 2013 dans cette librairie. J'ai rencontré une vingtaine d'éditeurs de livres et de solutions informatiques pour le livre et la traduction, très intéressants, de New Delhi, Calcutta et de Chennai. Nous avons pu présenter Purushartha, collection idéale pour une foire en Inde : l’Asie du Sud à la lumière des sciences de l’homme. Des travaux issus de diverses disciplines des sciences sociales, écrits par des chercheurs au Centre d'études de l'Inde et de l'Asie du Sud de l'EHESS. 35 ouvrages exigeants, très spécialisés et documentés, qui ont suscité de l'intérêt. Un intérêt assez théorique, parce que les éditeurs rencontrés dépendent beaucoup des subventions de l'Institut français – le nombre de postulants a quadruplé ces trois dernières années pour un budget constant – mais, s'agissant de volumes collectifs, nous réfléchissons à des éditions abrégées.

 

Nous avons été sollicités pour concevoir une collection en préparation chez un éditeur de Kolkata, contenant principalement des livres à nous, mais aussi d'autres titres que nous conseillerions, pas forcément français. Ce sont des dialogues laborieux, avec des interlocuteurs très circonspects et peu confiants dans leur lectorat, ce que nous devons écouter, et des à-valoir qui traduisent des grandes difficultés économiques. Je pense qu'un effort de longue durée finira par payer."