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Compte rendu

Le marché portugais un peu plus ouvert à la production française

juillet 2022

 28 juin 2022

Suite aux Séjours Perspectives à Lisbonne ayant permis à trois professionnelles de maisons d’édition françaises de découvrir le marché du livre portugais, le BIEF a organisé une table ronde, destinée à l’ensemble de ses adhérents, afin de partager leurs impressions. Les entretiens menés à Lisbonne constitueront la base de l’étude sur l’édition au Portugal que le BIEF publiera à la rentrée.


Participantes aux Séjours Perspectives - initiés par le BIEF depuis 2019 - Nathalie Alliel (Actes Sud), Iris Declercq (L’école des loisirs) et Elvire Morisot (Larousse) ont chacune eu l’occasion de rencontrer une douzaine d’éditeurs à Lisbonne. De retour en France, elles ont croisé leurs regards et partagé leurs impressions sur ce marché. Quelques grandes caractéristiques et chiffres-clés de l’édition portugaise ont été préalablement présentés par Clémence Thierry, chargée d’études au BIEF, également sur place pour rencontrer éditeurs, libraires et institutionnels.

 

L’une des principales caractéristiques du marché portugais est la très forte concentration autour de deux groupes, Porto Editora et Leya. La fusion récente de 20|20 et Penguin Random House, en 2021-2022, recompose le paysage éditorial et constitue un nouveau groupe de taille moyenne qui concurrence d'autres groupes comme Presença et Almedina. On compte aussi un grand nombre de petits éditeurs, tels Relógio d'Agua, Tinta Da China, Orfeu Negro ou Antígona. Porto Editora détient également la principale chaîne de librairies du pays, Bertrand Livraria. Autre canal de vente important : les supermarchés Continente. Malgré cette concurrence, les librairies indépendantes (entre 50 et 80 en 2022) ont relativement bien résisté à la crise, grâce notamment au click and collect. 


Jeunesse et bande dessinée en hausse, baisse pour les sciences humaines et sociales et la fiction traduite


Au Portugal, l’édition jeunesse (+7% des ventes entre 2019 et 2021) et de BD  (+68% des ventes) ont connu un bond spectaculaire depuis la pandémie. Les livres de sciences en revanche ont chuté drastiquement avec -17,5%. Les ventes de romans sont en légère diminution et comme partout depuis la crise, la baisse est plus franche encore pour la littérature étrangère avec -3,4%. Si l’on trouve parmi les traductions beaucoup d’auteurs et de best-sellers anglo-saxons et espagnols, le français est probablement la troisième langue traduite au Portugal. En 2020, les cessions étaient  en hausse (231 en 2020 contre 189 en 2019, selon les chiffres BIEF/SNE), notamment dans les domaines de la BD, de la fiction et des sciences humaines et sociales. 


Fiction, les livres grand public traduits de l’anglais dominent


En littérature, Nathalie Alliel confirme le grand nombre de titres grand public traduits de l’anglais. "Le Français n’est plus au premier rang depuis vingt ans. Les jeunes parlent tous l’anglais et non plus français." Une jeune génération également fortement tournée vers les réseaux sociaux. Autre difficulté pour les éditeurs, le nombre restreint de lecteurs : seulement 39% des Portugais se déclarent lecteurs en 2020 (81% en France d'après la dernière étude du CNL).


Le format poche reste par ailleurs "anecdotique" tout comme celui des livres audios et des e-books. Nathalie Alliel rappelle que la Foire du livre de Lisbonne est un moment de vente important, où les éditeurs ont le droit d’appliquer des remises allant jusqu’à 20%. Elle permet de contourner le problème des ventes en librairies, où la plupart du temps les nouveautés ne restent pas plus d’un mois sur les tables. Autre constat surprenant : le faible lien avec les autres pays lusophones. "L’échange avec le Brésil existe mais reste faible en fiction."


Jeunesse, des livres de qualité, proches des prix de vente en France


Iris Declercq souligne là encore le grand nombre de traductions de l’anglais, et de titres commerciaux. En dépit du faible pouvoir d’achat, elle note la très bonne qualité des livres jeunesse : "Il n’y a pas d’édition souple et le graphisme est très soigné". Le secteur le plus fort est celui des 0 à 5 ans (albums et non-fiction) "car plus les enfants grandissent moins la lecture est obligatoire". Pour y remédier, le gouvernement portugais a lancé un plan national de lecture en publiant tous les ans une liste de recommandations d’ouvrages pour enfants. La vente de livres jeunesse peut avoir lieu directement à l’école. 


Le secteur de la bande dessinée est encore "restreint mais dynamique" à l’image d’éditeurs tels A Seita, Ala Dos Livros ou Gradiva. La vente se fait beaucoup en kiosques et dans les rares librairies spécialisées. Les mangas et la BD franco-belge dominent le marché.  "La crise de papier a été un grand sujet de conversation avec les éditeurs BD et de jeunesse à Lisbonne", ajoute Iris Declercq. 

 

Développement personnel et parenting, les tendances en pratique


De son côté, Elvire Morisot a rencontré des éditeurs de livres pratiques, dont beaucoup appartiennent aux grands groupes. En tête des ventes : le développement personnel (santé, mode de vie durable, ésotérisme) et le parenting. Les nombreux auteurs-influenceurs jouent un rôle important notamment pour les livres de bien-être et de cuisine. "Le tirage moyen est de 3 000 exemplaires, sachant qu’un best-seller peut aussi se vendre à 50 000 exemplaires", explique Elvire Morisot qui a été surprise par le nombre de livres à couverture souple souvent peu illustrés mais tout de même assez chers avec un prix allant de 12 à 16 euros. "Les éditeurs s’orientent vers des succès et des voix connues présentes sur les réseaux sociaux et optent pour une fabrication raisonnable."


Concernant les traductions, elle souligne que beaucoup de titres sont traduits de l’anglais, puis de l’espagnol, de l’allemand et du français, à l’image des éditions Arte Plural (Bertrand) misant beaucoup sur des stars étrangères tel Matt Pritchard et sa collection Dirty Vegan


Katja Petrovic