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Compte rendu

L’édition francophone en Afrique subsaharienne, des marchés en structuration

mai 2021

14 avril 2021

Quelles sont les évolutions des marchés du livre en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale ? Quels sont les défis à relever et quel est l’enjeu du numérique dans cet espace ? Telles étaient les questions abordées lors de la dernière table ronde organisée dans le cadre d’une série de visioconférences sur l’édition francophone par le Commissariat général des États généraux du livre en français et l’Institut français, en partenariat avec l'Organisation internationale de la Francophonie et le BIEF. 


En amont des États généraux du livre en français qui se tiendront à Tunis en septembre, les organisateurs souhaitaient faire un point sur l’édition francophone en partenariat avec le BIEF, l’une des 40 structures professionnelles et institutionnelles engagées dans ce projet.

 

Dans la continuité de son travail avec les éditeurs et libraires francophones, le BIEF a réalisé en 2019 et 2020 un grand nombre d’entretiens avec des professionnels, synthétisés dans trois fiches sur les marchés du livre en Afrique centrale et de l’Ouest et dans l’océan Indien et à Haïti. Ces éléments ont été présentés et discutés avec Serge Kouam, directeur des Presses universitaires africaines au Cameroun, et Brahima Soro, libraire à la Librairie de France en Côte d’Ivoire. 


 

L’accès au livre reste difficile

 

Trois caractéristiques des pays d’Afrique centrale et de l’Ouest ont été rappelées : le plurilinguisme, la disparité des situations économiques et démocratiques dans les différents pays et la situation démographique avec une population jeune importante. Des éléments qui expliquent la structuration des marchés du livre, à l’image du Cameroun, où 75% des 26 millions d’habitants sont des jeunes et 45% sont francophones, le français étant la deuxième langue officielle du pays avec l’anglais. Pour Serge Kouam, le principal défi consiste à améliorer l’accès des jeunes à la lecture, difficile en raison notamment des livres vendus par les éditeurs français à des prix bien trop élevés pour la population. À cela s’ajoute le problème d’une faible circulation des livres, comme en Côte d’Ivoire où le livre, peu présent dans les écoles et dans les bibliothèques "reste un luxe", explique Brahima Soro.

 

Des marchés qui s’organisent et se diversifient

 

Malgré ces difficultés, les entretiens menés par le BIEF auprès des professionnels ont montré que les paysages éditoriaux se structurent, notamment en Côte d’Ivoire et au Cameroun où la production s’est diversifiée au-delà du domaine scolaire. Depuis la libéralisation du secteur scolaire et l’arrivée d’éditeurs privés locaux sur le marché, une offre plus variée et proche du public est proposée. Le nombre de publications a également progressé avec un rythme qui, selon Serge Kouam, s’accélère "puisqu’il se produit aujourd’hui en une année ce qui dans les années 2000 se produisait en cinq ans." "Un véritable développement au-delà d’une émergence et que l’on peut également constater dans d’autres pays comme le Bénin, le Congo ou le Togo", souligne Pierre Myszkowski (BIEF). 


Moins d’échanges entre la France et les pays de la zone 

 

Autre aspect abordé lors de cette table ronde : la stagnation des échanges commerciaux entre cette région et les éditeurs français, premiers partenaires des professionnels d'Afrique centrale et de l’Ouest. Selon les données de la Centrale de l’édition, le nombre de titres français exportés a régressé ces vingt-cinq dernières années, ce qui pourrait être le signe d’une "production locale qui commence à sortir la tête de l’eau", selon Serge Kouam. Mais cette évolution reste aussi conditionnée par le fait que les éditeurs français continuent de privilégier l’export plutôt que les cessions de droits, encore très marginales. En revanche, les échanges au sein de la zone ne cessent de se développer, avec la naissance de nouvelles maisons qui préfèrent la coédition avec leurs partenaires africains et proposent une offre plus adaptée aux réalités locales, tant au niveau des thématiques publiées que des prix des livres. 

 

Les enjeux de la vente en ligne et du numérique 

 

En ce qui concerne la librairie, le manque de soutien de la part des pouvoirs publics a favorisé le développement d’un secteur informel, mais qui tend aujourd’hui à se structurer. Ainsi, la Côte d’Ivoire ne compte que vingt librairies officielles et plus de 350 librairies "par terre" qui pratiquent la vente à même la rue. Après vingt ans de débat, le prix unique du livre est près d’être instauré dans le pays. "La preuve que les autorités sont prêtes à agir lorsque toute la chaîne du livre s’organise", remarque Brahima Soro qui souhaite également développer la vente en ligne dans la région. Directeur de la Librairie de France à Abidjan, il propose une plateforme de vente en ligne, tout comme la Fnac installée depuis 2015 dans la capitale ivoirienne. 


Si les jeunes sont hyperconnectés au Cameroun, la vente sur Internet a du mal à décoller, notamment en raison des problèmes liés au paiement en ligne, explique Serge Kouam. Le Sénégal est plus avancé en matière numérique avec l’ouverture de la Librairie numérique africaine, entièrement dédiée au livre africain, proposée par Les Nouvelles Éditions Numériques Africaines (Nena) depuis 2014 à Dakar. 

 

=> (Re)voir la table ronde Afrique subsaharienne, océan Indien, Haïti (Institut français)

=> Télécharger les fiches réalisées par le BIEF sur les marchés du livre en langue française : en Afrique centrale, en Afrique de l'Ouest, en Asie du Sud-Est, en Europe et au Québec, au Proche-Orient, au Maghreb, dans l'océan Indien et en Haïti.


Katja Petrovic, Clémence Thierry et Pierre Myszkowski