Articles

Imprimer Partager sur Facebook Partager sur Twitter Partager sur LinkedIn

Newsletter

Foire internationale du livre de New Delhi

avril 2016

9-17 janvier 2016

 

Lors de cette 24e édition, le BIEF exposait une sélection de près de 1 000 ouvrages de 60 maisons d’édition, couvrant tous les secteurs de la production. La commercialisation était assurée par Oxford Book Store, qui dispose dans sa librairie de Connaught Place, en plein cœur de Delhi, d’un bel espace dédié aux livres français. Cette année, l’accent était plus particulièrement mis sur la littérature et les sciences humaines et sociales.

 

Le partenariat entre le BIEF et l’Institut français en Inde a permis la venue de plusieurs éditeurs, qui ont participé à deux séminaires : l’un sur les nouvelles tendances de la production éditoriale en France en non-fiction et dans le secteur du graphic novel, l'autre sur les marchés des droits les plus dynamiques (organisé par le German Book Office).

 

Ce déplacement a été l’occasion pour les quatre responsables de droits étrangers présentes de mieux comprendre le fonctionnement de l’édition en Inde et, surtout, de rencontrer des éditeurs qui ne viennent pas forcément sur les grandes foires professionnelles, telles que Londres ou Francfort. Leurs impressions ci-après montrent le fort potentiel de ce pays-continent, même si les montants des contrats sont encore faibles par rapport à d’autres pays de la zone (Chine, Taiwan…).

 

- Christine Karavias

 

 

Annette Werther-Médou (L’Atalante) : "de belles perspectives en vue"

"Connaissant surtout les grandes foires occidentales, notamment Francfort et Londres, la participation à la New Delhi World Book Fair fut une expérience toute particulière, déroutante, et surtout très enrichissante.

Après avoir traversé sous le smog une grande allée dans un immense parc des expositions, où des terrains vagues et des bâtiments délabrés côtoient les halls aménagés où se tient la Foire, on arrive dans le "pavilion" qui abrite le stand français joli et aéré, qui incite à y faire un tour. Le public ne manque d’ailleurs pas, dont des enfants et des adolescents qui, conquis par leur apprentissage scolaire du français, viennent là à la recherche de lecture en langue française. Dans l’ensemble, le public, aussi lors des conférences, se montre très ouvert et intéressé.

 

La visite guidée des stands indiens - regroupés dans différents halls selon leur langue de publication, l’anglais ou une des nombreuses langues indiennes - en compagnie de Nicolas Idier (Institut français), nous a permis de découvrir un patrimoine littéraire d’une grande richesse. Pendant toute la foire, j’ai été impressionnée par l’accueil et le professionnalisme des confrères indiens - qu’il a été très facile de rencontrer avec ou sans rendez-vous - et la qualité de leur travail, d’autant plus remarquable eu égard aux conditions environnantes plutôt chaotiques. Le fait d’avoir nos livres exposés sur le stand a permis par ailleurs aux éditeurs de se faire une idée de notre production.

 

La littérature classique française semble être assez bien distribuée et reconnue en Inde, mais comment introduire la littérature de genre et la bande dessinée ?

Là aussi, j’ai été très agréablement surprise. À l’instar de Campfire, il existe de petites et souvent jeunes maisons spécialisées en BD et en graphic novel à la recherche de nouvelles impulsions. C’est ainsi que notre série phare, "La Brigade chimérique" de Colin, Lehman, Gess et Bessonneau, à mi-chemin entre le pulp américain et le graphic novel historique, a suscité de l’intérêt. Du côté des littératures de l’Imaginaire, un socle commun s’est dégagé dans les ouvrages d’auteurs français et indiens : influences de la mythologie et de la spiritualité, références à l’histoire et la littérature classique, ainsi qu’une réflexion sur la "condition humaine".

Les thèmes abordés par les auteurs français - l’écologie, la menaçante imminence d’une apocalypse climatique (traitée notamment dans les romans de Jean-Marc Ligny) -, peu présents dans leur littérature, ont attiré les éditeurs rencontrés. Tout comme la façon dont Pierre Bordage aborde toutes les facettes de l’humain dans ses ouvrages semble correspondre au lectorat indien.

Par ailleurs, des voix féminines comme par exemple celle de Laurence Suhner, elle-même clairement inspirée par les rites et la musique indienne, ont été aussi l’objet d’attention.

Après cinq jours d’échanges intenses et enrichissants, je n’ai pu que succomber à la tentation et suis évidemment repartie avec quelques découvertes prometteuses pour mes collègues éditeurs.

Il y a de belles perspectives en vue."

 

 

Carole Saudejaud (Fayard, Mazarine, Mille et une nuits, Pauvert) : "des rendez-vous qui ont bousculé la vision que j’avais du marché"

"J’étais ravie de participer pour la première fois cette année à la Foire internationale du livre de New Dehli. Cela m’a donné l’occasion de rencontrer des éditeurs avec lesquels je n’avais eu jusqu’alors que des échanges par e-mail ou, surtout, que je n’avais jamais rencontrés, qu’ils soient rattachés à de grandes maisons comme Penguin, HarperCollins ou Springer ou à des maisons plus petites, ancienne comme Zubaan, ou plus récentes. Ces rendez-vous ont, je dois dire, bousculé d’une certaine manière la vision que j’avais du marché et de nos échanges avec les éditeurs indiens.

Je pensais que nous allions pouvoir développer des cessions des droits de traduction dans les langues indiennes. Si certains des éditeurs que j’ai vus traduisent et publient en effet en hindi, tamoul, malayalam, ou bengali, ils manquent cruellement de traducteurs du français dans ces langues, et ils ne peuvent donc parfois envisager de traduire qu’à partir de l’anglais. C’est une question qu’il faut donc se poser pour certains auteurs.

 

Pour la majorité des éditeurs, il s’agit donc de leur céder les droits de traduction en langue anglaise, en sachant qu’ils s’intéressent à des titres du fonds dont nous avons déjà parfois cédé les droits de traduction en anglais à un éditeur anglais et/ou américain. Et que les livres ne sont d’ailleurs pas forcément disponibles dans les librairies de Delhi. Dans la foulée de ma participation à la foire et de mes échanges très constructifs avec les éditeurs indiens, nous allons donc sans doute modifier, pour une partie des titres du catalogue, notre façon de travailler en cherchant à réserver dans certains cas les droits anglais pour le sous-continent indien.

 

Les éditeurs rencontrés se sont montrés très attentifs à la fois aux titres de non-fiction et de fiction. Pour ce qui concerne la non-fiction, j’ai eu le sentiment qu’ils s’intéressaient surtout à des problématiques indiennes. Ils sont très curieux de lire les auteurs français sur leur pays, leur histoire, leur culture.  

 

Mais les premiers contrats que nous allons signer à la suite de mes rendez-vous à Dehli concernent un romancier. L’une des plus belles rencontres que j’ai faites est celle de Pranav Johri des éditions Rajpal, avec lequel nous nous apprêtons à signer plusieurs contrats relatifs à la traduction en hindi, et en anglais en Inde, des deux livres de Baptiste Beaulieu que Fayard a publiés : Alors voilà et Alors vous ne serez plus jamais triste."

 

 

Maria Vlachou (PUF) : "Une précieuse occasion de saisir les particularités et les attentes d’un marché mal connu"

"Plus propice aux cessions en langue anglaise qu’en langues régionales, le marché indien des sciences humaines et sociales reste néanmoins moins connu que le marché anglo-saxon du même domaine. La Foire du livre de New Delhi fut donc pour les PUF une précieuse occasion d’en saisir les particularités et les attentes.

 

Les leaders sur ce marché (Oxford UP, par exemple) s’intéressent notamment aux ouvrages déjà traduits en anglais (toutes disciplines confondues) et les éditeurs indépendants aux ouvrages dont ils peuvent acquérir les droits anglais au moins pour l’Asie du Sud. Le coût des traductions - même avec les aides proposées par l’Institut français pour la prise en charge des droits - les  préoccupent tout comme le choix du traducteur, dans le cadre d’un tirage moyen de 500 exemplaires.

 

La liste des ouvrages publiés par les PUF sur l’Inde que j’avais préparée pour les éditeurs indiens ne fut pas d’une grande aide car les ouvrages concernés n’étaient pas traduits en anglais. En revanche, la liste des ouvrages déjà publiés en anglais (aux PUF la deuxième langue la plus cédée) a été beaucoup plus consultée que notre catalogue foreign rights

La raison en est que toute traduction anglaise déjà publiée peut faire l’objet d’une édition indienne low cost. D’autant plus que les traductions anglaises des confrères anglo-saxons auxquels nous avons cédé les droits mondiaux ne sont pas disponibles dans les librairies de New Delhi (ce que j’ai constaté à Full Circle, CMYK, Midland Bookshop, The People Tree, The Bookshop…). En tout cas, il faudra d’abord franchir l’étape d’une traduction en anglais pour envisager l’hypothèse d’une traduction en langues régionales.

 

À ma grande surprise, la plupart des éditeurs de sciences humaines sont des éditrices, très dynamiques et fortement intéressées par les études de genre, la sociologie et les sciences politiques.

Avec neuf contrats en négociation, trente nouveaux contacts, un auteur PUF et moi-même invités à Calcutta en 2017 pour le lancement de l’édition anglaise de son livre, les résultats de ce voyage se sont révélés positifs pour les PUF." 

 

 

Laurence Rondinet (éditions du CERF) : "Un marché à découvrir"

"L’Inde est un voyage, un choc, c’est certain.

L’Inde vous apprivoise, c’est l’histoire de chacun.

L’Inde vous donnera de l’énergie, les éditeurs y sont actifs (avis aux acheteurs), curieux (avis aux vendeurs), dynamiques, en aucun cas blasés. Ils s’intéressent à notre vision de leur histoire, de leurs croyances, de leurs codes, à l’Islam, à la théorie du genre, à l’histoire, à la condition féminine (un grand coup de chapeau à l’engagement de certaines éditrices), autant de passerelles entre nous.

L’Inde est bien sûr une porte ouverte sur la langue anglaise. Les grands groupes comme Penguin développent un catalogue spécifique à l’Inde qui, à l’achat comme à la vente, peut ouvrir des portes.

Pour une traduction en langue anglaise, c’est le texte original en français qui vous sera demandé mais, pour une traduction dans une autre langue, le manuscrit anglais est nécessaire pour ne pas dire obligatoire.

Vendeurs, sachez que les indépendants vous diront sur quels marchés ils peuvent travailler : Inde ; Inde et Royaume-Uni ; Inde, Royaume-Uni, Australie. Les grands groupes basés en Inde vous demanderont les droits mondiaux, à vous de discuter. La diffusion en Inde des groupes anglo-saxons et américains est une réalité : c’est ainsi que les livres dont vous vendez les droits sont présents en librairie à New Delhi.

Acheteurs de sciences humaines et sociales, sachez que des traducteurs ont envie de travailler avec vous.

 

Je suis revenue de la Foire de Delhi avec, côté ventes, des options en religions, des demandes d’exemplaires de lecture en philosophie et histoire et, côté achats, quelques surprises. Dans les deux cas, avec de beaux échanges.

Une porte s’est ouverte, à suivre…"

 

- Propos recueillis par Christine Karavias 



Précédent Suivant

Plus d'infos