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Les sciences humaines et sociales au centre des échanges franco-russes

janvier 2011

Le Salon du livre Fiction/Non-Fiction 2010 couronnait une année particulièrement riche en événements russo-français et a témoigné de l’intérêt réciproque que se portent de longue date ces deux cultures. Compte rendu du séminaire en sciences humaines suivi d'un entretien avec Marie-Geneviève Vandesande, directrice des Presses de Sciences Po.
Le Salon du livre Fiction/Non-Fiction 2010 couronnait une année particulièrement riche en événements russo-français et a témoigné de l’intérêt réciproque que se portent de longue date ces deux cultures.
 
Pour l’occasion, Culturesfrance et l’ambassade de France avaient souhaité mettre en lumière certains penseurs contemporains, qui perpétuent la tradition française des sciences humaines et sociales, et les avaient mobilisés autour de la question « Qu’est ce qui fait l’Homme ? ». De la sociologie (Edgar Morin, Luc Boltanski), en passant par la philosophie (Vincent Descombes, Jean-Marie Schaeffer, Christian Laval, Isabelle Millon), l’anthropologie (Laurent Barry, Philippe Descola, Pascal Picq), la psychanalyse (Julia Kristeva) ou la neuroscience (Jean-Didier Vincent), une quinzaine de conférences d’auteurs ont animé, tambour battant, le programme culturel du Salon.

A mi-chemin entre un programme destiné au grand public et aux professionnels, le Centre franco-russe de recherche en sciences humaines et sociales de Moscou avait organisé une suite de conférences autour des revues de sciences humaines : Logos et Pouchkine du côté russe, Esprit pour la partie française.
 
Pour le volet professionnel, le BIEF avait également axé ses activités autour des sciences humaines et organisé des rencontres binationales entre professionnels de l’édition. Les éditeurs français présents (Albin Michel, le Cerf, les Belles Lettres, la Découverte, l’EHESS, les PUF, Payot, les Presses de Sciences Po et de la Villette) ont pu approfondir leur connaissance du marché russe et les comparer avec les réalités françaises. Ces rencontres se sont terminées par des rendez-vous individuels entre participants russes et français.
 
 
Entretien avec Marie-Geneviève Vandesande, Directrice des Presses de Sciences Po

Jean-Guy Boin : En participant à ce séminaire de Moscou sur les sciences humaines, qui s’est tenu fin novembre à l’occasion du Salon Fiction/Non-Fiction, aviez-vous des attentes particulières ?

Marie-Geneviève Vandesande : J’ai d’abord été très surprise qu’on ouvre une fenêtre à un éditeur universitaire et à une discipline comme les sciences politiques et, donc, j’ai été très enthousiaste à l’idée d’y participer. J’étais allée à Moscou en 2005 et avais depuis conservé l’impression d’un marché compliqué et opaque. J’ai été contente de cette nouvelle occasion de rencontrer des éditeurs russes.
 
J.-G. B : Le format de cette rencontre vous a-t-il paru adapté (une journée de séminaire avec 4 interventions croisées, ponctuée d’un buffet) réunissant 24 éditeurs russes et 12 éditeurs français ?
 
M.-G. V. : Une fois qu’on y a participé, on est forcement satisfait de la journée, parce que beaucoup de choses se sont dites. Deux éditeurs russes pour un éditeur français, cela nous a permis de mieux savoir quelles étaient leurs attentes, leurs sujets de préoccupation et ce qu’ils souhaitaient mettre en valeur. Sur le format, pour avoir participé une fois à un séminaire à Istanbul, je dirais que des tables rondes se prêtent plus au dialogue, alors que les interventions répondent à un format court et efficace. On a eu une journée dense et intéressante.
 
J.-G. B :
Les interventions ont traité de l’économie du livre en SHS en France comme en Russie, de l’Histoire et l’anthropologie, de la philosophie et l’esthétique, puis des sciences politiques. L’articulation de ces différents thèmes vous a-t-elle paru pertinente ?

M.-G. V. : J’ai trouvé que l’articulation a été très intéressante, même si les éditeurs russes n’ont pas forcement respecté les thématiques, improvisant plus librement peut-être que les Français. Certains thèmes avaient leur préférence, comme l’anthropologie, la philosophie et la philosophie politique, qui revenaient dans toutes les contributions. Il n’a pas toujours été facile d’intervenir sur autre chose et d’éviter la répétition. Mais, finalement, la structure générale se tenait et autorisait différents angles. Peut-être que les contributions françaises étaient plus commerciales, je n’ose pas dire plus professionnelles et plus collectives, puisqu’on se préoccupait davantage des évolutions des marchés.
Les éditeurs russes ont davantage parlé des évolutions de leur propre production depuis ces vingt dernières années et de leurs grands projets, leurs grands centres d’intérêts, et l’on s’est rendu compte qu’il y avait plus de place pour le champ des sciences sociales.
La présentation par l’éditeur russe de la revue NLO était passionnante, aussi bien quand il a évoqué la fonction critique de l’intellectuel, la recherche comme projet social capital ou encore la volonté de publier des articles pionniers sur les cultural ou les gender studies. Et aussi lorsqu’il a parlé de la dynamique scientifique à l’œuvre qui, pour rattraper les retards, passe d’une sphère ou d’une théorie à l’autre, dès que les lacunes sont comblées.
 
J.-G. B : Est-ce qu’une suite est à encourager et à envisager et sous quelle forme, en dehors même du salon ou avec le salon ?
 
M.-G. V. : Je l’ai dit au départ, j’étais assez pessimiste sur le marché russe et sur les relations qu’on pouvait établir avec nos homologues en sciences humaines et sociales. Ce séminaire m’a fait corriger la perception trop schématique que j’avais d’éditeurs au sentiment nationaliste fort, essentiellement intéressés par la Russie et par eux-mêmes, peu en attente de la production française. Cette fois-ci, j’ai eu l’impression d’une ouverture forte, de l’envie de réfléchir aux problèmes liés à la traduction ou aux formats, aussi bien que de l’envie de créer des collections ou de s’intérresser à de nouveaux champs.
Il me semble qu’auparavant le dialogue était peu nourri des deux côtés, c'est-à-dire que ni les éditeurs russes ne nous proposaient vraiment de titres à traduire, ni ils donnaient l’impression de s’intéresser à nos ouvrages. Il y a eu, lors de ce séminaire, un véritable échange, j’espère qu’il va se développer. Je crois qu’il faut continuer à travailler avec nos homologues russes d’autant qu’il y a un veritable intérêt pour la production intellectuelle française ou pour les échanges. On a une carte à jouer en Russie.

Laurence Risson

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