Données chiffrées
Le marché du livre d’art a connu une forte croissance ces dernières années*. Sur les six premiers mois de 2007, le secteur a enregistré une augmentation de 20,2% de son chiffre d’affaires par rapport à la même période en 2006.
Les arts de la rue, et particulièrement le graffiti, ainsi que l’intérêt croissant pour la photographie numérique continuent de porter le marché. Les revenus générés par la catégorie Photographie s’établissent à 6,57 millions d’euros en juin 2007, soit plus 19,2% par rapport à 2006.
2007 a également été une très bonne année pour la catégorie Beaux-arts qui domine le secteur. Les mémoires d’artistes célèbres rencontrent toujours beaucoup de succès. Le public semble développer un intérêt croissant pour les ouvrages créatifs et pratiques sur la décoration d’intérieur et l’architecture. Les libraires notent également un intérêt croissant pour l’art et les techniques du manga ainsi que pour le modernisme et la vidéo. Seule la catégorie Antiquités et collections a connu une baisse de 7,2% par rapport à 2006.
La télévision demeure un excellent vecteur de ventes, en particulier grâce aux séries sur l’histoire de l’art ou sur les arts visuels diffusées sur la BBC. L’ouvrage accompagnant la série Around the World in 80 Treasures s’est vendu à 25 000 exemplaires. L’émission de David Dimbleby A Picture of Britain, en partenariat avec la Tate Gallery, a été accompagnée par une exposition et un livre qui s’est retrouvé en tête du classement des meilleures ventes en 2006. Le titre s’est vendu à près de 55 000 exemplaires en 2005. L’émission explorait combien et comment les paysages britanniques avaient inspiré les artistes depuis plus de trois cents ans.
Les éditeurs d’art publient de plus en plus d’éditions de luxe à des prix très élevés. Cette nouvelle politique éditoriale leur permet de toucher des marchés et des publics différents tout en augmentant leurs profits.
Les expositions jouent un rôle majeur dans la politique éditoriale de certaines maisons. Aux côtés des traditionnels catalogues, les éditeurs en profitent pour diversifier leur offre autour d’ouvrages liés au sujet de l’exposition mais de natures différentes : monographies, essais, romans etc. Leurs ouvrages de fond bénéficient donc également du succès d’une exposition.
Le livre d’art pour les enfants : une place particulière
Les livres pour enfants font partie des meilleures ventes des librairies de la Tate. D’après Claire O’Leary**, responsable des achats, les ventes de livres pour enfants sont quatre fois plus importantes que le reste des ventes au sein des librairies du musée. C’est un secteur en pleine croissance. Tate Publishing publie ainsi des livres sur l’histoire de l’art pour les enfants, des livres de coloriage, des histoires illustrées sur les grands peintres célèbres, etc. Sur les vingt meilleures ventes de Tate Publishing en avril 2008, quatre titres sont destinés à la jeunesse :
• A is for Artist par Ella Doran, Zoe Miller et David Goodman, qui renouvelle le genre de l’abécédaire en combinant des photographies et de l’art visuel,
• Colour Book par Ella Doran et Silence, un livre illustré de photographies et de graphismes pour expliquer les couleurs aux 2-6 ans,
• An A-Z Treasure Hunt par Alice Melvin, un abécédaire interactif,
• Scribble Book par le Français Hervé Tullet, un livre de coloriage farfelu.
Depuis quelques années, de nombreux éditeurs d’art ont ainsi établi un catalogue de livres d’art pour enfants.
The British Museum Press a étendu sa collection en 2003 suite à une forte augmentation de ses ventes. Les livres pour enfants sont divisés en deux catégories : The British Museum Knowledge, qui regroupe les ouvrages de référence, et The British Museum Activity, qui rassemble tous les titres interactifs, livres de coloriage, livres-jeux, etc.
Phaidon a lancé sa première collection en 2005 en traduisant la série écrite par René Goscinny et illustrée par Sempé, du Petit Nicolas en format beau-livre. L’éditeur a ensuite publié la version pour enfants de son best-seller The Art Book, The Art Book for Children en deux volumes, qui rencontre beaucoup de succès.
Les freins à ce dynamisme
Les éditeurs d’art britanniques rencontrent de nombreuses difficultés liées aux coûts de reproduction des images. Cette difficulté est renforcée par la grande complexité des droits d’auteur en Grande-Bretagne. Les artistes vivants représentés par la DACS (Design and Artists Copyright Society) restent très, voire trop chers. Cette situation touche particulièrement les éditeurs spécialisés dans les beaux-arts. Le prix de certaines images est si prohibitif que les auteurs ou les éditeurs choisissent de ne pas les inclure dans leurs ouvrages.
En décembre 2006, le Victoria & Albert Museum a été le premier musée du monde à annoncer qu’il ne ferait plus payer l’utilisation de ses images aux universitaires. Les publications académiques et universitaires peuvent désormais jouir gratuitement de l’utilisation de ces images. Les publications à visée commerciale, quant à elles, doivent toujours s’acquitter des droits de reproduction.
Riches de plus de 25 000 images, les collections du V&A représentent une source très importante dans les domaines de la peinture, de la photographie, des textiles et de la mode, de la céramique, de la sculpture et du design. Les collections rassemblent également les images du musée de l’Enfance et de la National Art Library, la Bibliothèque nationale des arts. Malheureusement, cette décision n’a pas encore eu d’influence majeure sur d’autres institutions.
Ces dernières années, les éditeurs d’art britanniques souffrent également, à l’export, d’un taux de change défavorable avec les États-Unis. Leurs ventes en volume ne diminuent pas aux États-Unis, mais des éditeurs comme Phaidon pensent augmenter leurs prix sur ce marché pour pallier la faiblesse du dollar. Oxford University Press et Thames and Hudson voient leurs chiffres d’affaires faiblir.
Comme en France, certains éditeurs d’art sont particulièrement touchés par la politique éditoriale de l’éditeur allemand Taschen. Avec une succursale à Londres, l’éditeur occupait la sixième position dans le classement des éditeurs d’art britanniques en 2005. Le prix de vente très compétitif de leurs ouvrages a rendu la tâche plus difficile pour les éditeurs. Des maisons indépendantes comme Laurence King estiment ainsi qu’il est aujourd’hui plus difficile de vendre des livres d’art à des prix profitables pour un éditeur. D’autres, plus universitaires, comme Lund Humphries, ne souffrent pas autant de cette concurrence.
* Les livres d'art appartiennent à la catégorie Non-fiction / Référence, elle-même divisée en plusieurs sous-catégories. cette catégorie, d'une valeur de 1,041 milliard d'euros (marché intérieur et exportations) représente le secteur le plus important de l'édition britannique en 2007 soit un tiers du marché intérieur total
** Claire Bott, interview de Claire O'Leary, Publishing News, 3 août 2006
Ce texte est extrait de l’étude sur le marché du livre d’art au Royaume-Uni réalisée par Capucine Destors pour le BIEF en juin 2008. Elle est disponible au BIEF
(
k.politis@bief.org / 01 44 41 13 05).