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Compte rendu

Renforcer le dialogue entre les deux rives de la Méditerranée

mai 2022

20 au 26 mars

Le BIEF et l’Institut français de Paris se sont associés pour organiser un programme d’accueil destiné aux éditeurs du monde arabe. Il s’inscrivait cette année dans le projet Livre des deux rives – un dialogue méditerranéen par le livre mené par l’Institut français et soutenu par le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères.


Lors de ce deuxième fellowship du BIEF, destiné aux éditeurs du monde arabe, 15 éditeurs de littérature et de sciences humaines venant du Maghreb, d’Égypte et du Liban, ont rencontré à Paris et Marseille des éditeurs et des responsables de droits français dans le but d’envisager des collaborations.

 

Ils ont eu l’occasion de mieux appréhender le système de diffusion-distribution en France auquel certains pourraient avoir accès puisqu’ils éditent en langue française. Enfin, la rencontre à Marseille comprenant des rendez-vous avec des éditeurs locaux, des agents du spectacle vivant et des responsables de résidences d’artistes leur a également ouvert des perspectives de coopérations. 

 

Lancement d’une nouvelle collection de littérature, traduite de l’arabe

 

L’un des premiers volets du programme a porté sur l’évocation, avec Philippe Rey et Sofiane Hadjadj (éditions Barzakh en Algérie), d’une collection commune de textes littéraires du Maghreb, traduits de l’arabe. Selon l’éditeur algérien, "pour les éditeurs français, les écrivains du Maghreb écrivent en français : historiquement avec Mohammed Dib, Kateb Yacine ou Assia Djebar ; aujourd’hui avec Yasmina Khadra, Kamel Daoud, Boualem Sansal, Kaouther Adimi, etc. Or, explique-t-il, "depuis les années 90, l'arabe est devenu la principale langue de création littéraire au Maghreb avec toute une nouvelle génération d'auteurs et auteures qui racontent leurs quotidiens et leurs mondes. C'est à partir de ce vivier que nous souhaitons travailler et donner à lire des propositions littéraires inédites". La collection sera lancée début 2023 avec la publication de deux titres annuels.

 

Table ronde au CNL sur la traduction de littérature arabe en France 


La suite des échanges a permis de constater que la vitalité actuelle du secteur du livre en France, dans un contexte de reprise après la crise sanitaire, encourage à ouvrir les catalogues aux littératures arabes. Car malgré un secteur du livre du monde arabe fragilisé par les crises politiques et par la pandémie, il existe un imaginaire puissant aussi bien qu’un dynamisme de la production en non-fiction – en dépit parfois de la censure. La dualité linguistique soulignée par Franck Mermier, directeur de recherche au CNRS, prend alors tout son sens pour des auteurs pris entre une langue maternelle arabe et une langue européenne (le français ou l’anglais) qui leur permet de se faire connaître et/ou de contourner la censure. 

 

Promouvoir davantage les auteurs arabophones 

 

Persiste toutefois la difficulté à trouver de bons lecteurs pour identifier les livres puis de bons traducteurs. Dans cette perspective, le projet LEILA (Arabic Literature in European Languages), présenté par Anne Millet, directrice de la programmation et des partenariats à l’IreMMO (Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient) pourrait apporter des solutions. Ce projet à échelle européenne vise à développer des outils d’information et de promotion de la littérature arabophone. 


 Ali Abdelmoneim (Sama Publishing, Égypte) intervient sur l'édition numérique


Pour Julia Nannicelli, éditrice de littérature étrangère pour le domaine italien et le bassin méditerranéen chez Gallimard, le travail de l’éditeur consiste également à convaincre les distributeurs de promouvoir les œuvres traduites, même si les auteurs sont plus confidentiels. Un travail mené depuis longtemps par Emmanuelle Collas qui publie notamment de la littérature étrangère et qui considère son métier comme un "acte politique". Même si sa maison a évidemment gagné en visibilité après avoir reçu le prix Goncourt des lycéens en 2020 pour Les Impatientes de Djaïli Amadou Amal.

 

Envisager des partenariats avec les éditeurs français et arabes 

 

L’obstacle majeur souligné par les éditeurs arabes invités est l’absence d’un réel circuit de distribution auquel se substituent les foires et salons du livre dans le monde arabe qui demeurent indéniablement les principaux lieux de vente. S’ils sont alors tous un peu concurrents entre eux, les éditeurs du monde arabe établissent aussi des collaborations pour acheter des droits ou diffuser leurs ouvrages qui se révèlent leur point fort. C’est aussi un des prolongements de ce type de projets qui leur permet non seulement d’envisager des partenariats avec les éditeurs français, mais également de se découvrir en tant que collègues de la zone et de concevoir des partenariats entre eux. Comme l’estime Safaa Ouali des éditions Le Fennec au Maroc, "après tout, le dialogue existe entre deux rives mais aussi au sein de la même rive."

 

Ce programme faisait suite à un premier Fellowship organisé en 2019 par le BIEF, et s’inscrit dans un travail de rapprochement avec les éditeurs du monde arabe initié en 2018. À cet effet, et tout comme en novembre 2021, le BIEF mobilisera une délégation d’éditeurs français pour se déplacer au salon de Sharjah et participer aux journées professionnelles du 30 octobre au 1er novembre.


Laurence Risson